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matière ne doit pas être jugée d'après les lois anglaises ou américaines. Cette question, étant une question de contrat, d'obligation, doit être décidée suivant les principes généraux posés par notre Code, et suivant la jurisprudence française établie sous un code semblable à cet égard.

D'ailleurs, en Angleterre, les actions for breach of promise of marriage n'y sont reçues que défavorablement. A l'origine, il paraît même que dans ce pays, comme dans les autres n'ayant aucun texte formel en cette matière, ces promesses étaient considérées comme illicites et contraires à la liberté du mariage.

Dans une cause de Kay vs. Bradshaw, 2 Vernon, 202 (1689,) les actions sur promesses de mariage furent déclarées contrary "to the nature and design of marriage, which ought to proceed "from a free choice, and not from any compulsion."

Dans la cause de Woodhouse vs. Shepley, 2 Aitk., 535 (1742,) le procureur-général déclara "that a court ought not to receive "those actions for public and general convenience, as those suits. "tend to encourage improvident matches."

Dans la cause de Lowe vs. Peers, 4 Burr., 2230, Lord Mansfield disait: "All those contracts should be looked upon (as Lord. "Hardwicke said in Woodhouse vs. Shepley) with a jealous eye, even supposing them to be clear of any direct fraud."*

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Ce n'est donc que par une jurisprudence moderne assez récente que les actions for breach of promise of marriage sont tolérées en Angleterre, et qu'elles ont passé dans la plupart de ses colonies, les Etats-Unis autrefois, et encore aujourd'hui les provinces d'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse. "It is "now perfectly well settled, dit Parsons, loc. cit., both in Eng"land and in this country, and indeed has been for a considera"ble time, that these contracts are as valid and effectual in law,

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as any; and that in actions upon them, damages may be re"covered not only for the pecuniary loss, but for suffering and "injury to condition and prospects."

Il est impossible de se rendre compte des motifs qui ont engagé les tribunaux de ces pays à abandonner les sages et vrais principes sociaux posés par Lord Mansfield, Lord Hardwicke et les fondateurs illustres de la jurisprudence anglaise. "The reason," dit Parsons, loc. cit., "is obvious: marriage can seldom be cele

* Voir aussi Baker vs. White, 2 Vernon, 215; 2 Parsons on Contracts, 60.

"brated simultaneously with betrothment or engagement; a cer"tain time must intervene; and it would be very unjust to leave parties, who suffer by a breach of a contract of such eutreme "importance, wholly remediless."

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Cette raison suppose l'existence d'un contrat légal; mais c'est là toute la question. La promesse de marriage est-elle illicite comme contraire à la loi positive du mariage, aux bonnes mœurs et à l'ordre public? Les inconvénients, soufferts par une partie privée, sont-ils plus importants que l'intérêt de la société ? Voilà véritablement le siège de la difficulté. Il semble clair que la jurisprudence anglaise repose sur une base fausse et anti-sociale, ce qui, il faut être juste, semble aujourd'hui être au moins en partie compris par les tribunaux anglais.

En même temps qu'on remarque de la part des tribunaux, en Angleterre et dans ses colonies, une détermination bien arrêtée de décourager ce genre de poursuite, on voit que les Etats-Unis l'entourent d'une plus grande faveur. La presse anglaise nous a rapporté plusieurs cas récents où des dommages nominaux furent accordés, et hier encore les journaux dn Haut Canada nous en donnaient un exemple remarquable dans une espèce très défavorable au défendeur; nous faisons allusion au cas de St. Thomas. Aux Etats-Unis, au contraire, le montant des dommages for breach of promise semble augmenter avec le nombre des divorces et des Marriage Brokers.

Le Bas-Canada, étant régi par l'ancien droit français, avant le Code, et depuis sa promulgation, par les principes qu'il établit, n'a jamais pu accepter la jurisprudence anglaise en cette matière; et sans les préjugés populaires appuyés sur cette jurisprudence, en nulle manière applicable à cette Province, les principes consacrés par la jurisprudence française seraient peut-être, pour ainsi dire, acceptés pour des axiômes.

Que doit on conclure de tout ce qui précède? Après toutes ces raisons et ces autorités est-il possible de maintenir que l'action pour inexécution d'une promesse de mariage peut être admise dans ce pays? Qu'on le remarque bien, il ne s'agit pas de diffamation de caractère, ni d'aucun autre fait injurieux à la personne. L'on comprend que lorsqu'un homme, pour excuser son inconstance, porte atteinte à la réputation de sa fiancée, qu'il l'accuse, par exemple, d'être une femme de mauvaise vie, une action existe alors, non pas en vertu de la promesse de mariage, mais à cause de la diffamation.

LES PROMESSES DE MARIAGE SONT-ELLES

VALIDES EN DROIT.

Il est étonnant que la jurisprudence de l'Angleterre et des Etats Unis n'ait pas répudié les promesses de mariage. On y permet au mari de congédier sa femme sans trop d'inconvénients; on peut y divorcer à chaque printemps de la vie pour ainsi dire; l'on y peut impunément séduire une fille, pourvu qu'elle soit majeure, mais il paraîtrait qu'un jeune homme n'y peut se séparer de sa fiancée sans s'exposer à se ruiner. On comprend, qu'avec une telle jurisprudence, il était nécessaire de venir au secours des époux malheureux, et de leur ouvrir les portes d'une cour de divorce. C'est là en effet qu'ils se font relever des conséquences trop désastreuses de l'inexécution d'une promesse de mariage. Mais en Bas-Canada, le mariage est indissoluble; le divorce par le Parlement est une de ces raretés, dont peu de personnes peuvent se donner le luxe; et ne voit-on pas de suite que les demandes, basées sur inexécution de promesses de mariage, qui, dans tous les pays, sont vues d'un mauvais œil, ne devraient pas être tolérées en Bas-Canada.

L'on veut assujettir le fiancé en défaut au paiement des dommages-intérêts, eu égard à sa fortune, à la qualité et position sociale des parties et aux circonstances; mais qui n'aperçoit les dangers de cette doctrine pour la société ? Les promesses de mariage, dit-on, sont louables, puisqu'elles résultent du sentiment le plus pur et le plus utile à la société, celui du mariage. Elles sont louables, sans-doute; mais elles ne le sont que tant qu'elles conduisent librement à cette fin; au contraire elles sont immorales et funestes, si directement ou indirectement elles les y mènent forcément. Le jeune homme qui doit choisir entre sa fiancée et la ruine ou la perte d'une partie considérable de son patrimoine, prendra-t-il toujours ce dernier parti? Ne peut-on pas supposer avec raison que dans nombre de cas, il préférera se sacrifier, tant l'intérêt matériel est puissant sur l'esprit et la conduite des hommes. Dans des circonstances de cette gravité, n'est-il pas à craindre qu'il taira les refroidissements de son cœur, et qu'il ira au pied des autels contracter une union que la sympathie et l'amour seuls doivent former. De là les désordres qui trop souvent signa

lent les mariages mal assortis. Il est donc de l'intérêt des deux parties qu'elles conservent une liberté d'examen absolue et dégagée de tout intérêt matériel, pendant tout le temps que durent les entrevues préliminaires.

Le consentement au mariage doit être libre, et la crainte des dommages résultant de l'inexécution d'une promesse de mariage ne saurait l'atteindre; parce que cette promesse est nulle et doit rester sans effet. Elle est nulle en ce qu'elle tend à gêner la liberté des parties dans le choix d'un époux, et que, pour cette raison, elle est contraire aux lois positives, à la morale et à la saine raison.

Il est de principe que toute obligation qui lie la liberté individuelle, pour quelque cause et de quelque manière que ce soit, est nulle comme contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public; et il n'y a pas d'autres exceptions à cette règle que celles qui résultent soit des textes formels, soit de l'esprit manifeste de la loi. Mais aucune exception n'a été faite par le Code pour les promesses de mariage, et elle devrait d'autant moins se présumer qu'elle violerait ce grand principe de notre droit public qui veut que le consentement au mariage ne soit donné que lors de sa célébration, et que jusque-là il n'est pas permis d'aliéner ce con

sentement.

On ne saurait pour la même raison soutenir que les promesses de mariage participent de la nature des obligations en général. Notre Code, art. 1062, déclare: "L'objet d'une obligation doit "être une chose possible, qui ne soit ni prohibée par la loi, ni "contraire aux bonnes mœurs." Puis l'art. 1059 dit: "Il n'y 46 a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet d'une obligation." Assurément que l'on ne soutiendra pas que l'objet des promesses de mariage soit une chose dans le

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commerce.

On ne saurait soutenir non plus que la jurisprudence, qui a prévalu sous l'ancien droit soit en France, soit en Canada, peut suppléer au silence du Code. L'art. 2613 déclare en effet que "les lois en force lors de la mise en force de ce Code, sont abro"gées dans les cas...... où elles sont contraires ou incompatibles "avec quelques dispositions qu'il contient." Or, nous l'avons vu, les promesses de mariage sont incompatibles avec les dispositions du Code sur le mariage et les obligations en général.

Veut-on s'assurer de l'hostilité des codificateurs à la validité des promesses de mariage? On la trouve exprimée en

toutes lettres dans leur rapport sur l'art. 62: "Au cas d'opposi❝tion au mariage," disent-ils (Rapport 2e, page 24), “il doit être sursis à la célébration jusqu'après main levée, à moins que "cette opposition ne soit fondée sur une simple promesse de mariage, qui doit être traitée comme nulle et sans effet." Il est important de remarquer que ces termes ne se trouvent pas dans notre Statut Provincial, S. R. B.-C., ch. 34, s. 4, qui tout simplement déclare non recevable l'opposition basée sur une promesse de mariage, sans qualifier d'ailleurs cette promesse.

Disons encore que, dans le droit primitif, les promesses de mariage n'étaient aucunement reconnues dans le for extérieur.

La jurisprudence romaine fut unanime sur ce point. Toute convention de se marier était absolument nulle et ne produisait aucun effet. Libera matrimonia antiquitus placuit ideoque pacta ne liceret divertere non valere et stipulationes quibus pœnæ irrogarentur.... Ratas non habere constat. Et allieurs: In honestum visum est vinculos pœnæ matrimonia obstringi. Et encore cette autre loi: Pœnæ metus aufert libertatem eligendi matrimonii.

Ce ne fut que par une loi spéciale proclamée par l'empereur Léon que les promesses de mariage furent déclarées valables, et que les dommages, résultant de leur exécution ou de la clause pénale, en cas de dédit, furent recouvrables en justice.

Mais allons plus loin, et voyons qu'elle est la règle qui est suivie dans les pays qui, comme le nôtre, sont soumis à l'empire d'un code de lois.

Les codificateurs de la Louisiane ont-ils considéré qu'il suffisait de garder le silence pour donner un droit d'action pour inexécution d'une promesse de mariage? Les tribunaux y admettraient-ils cette action, si le Code, qui les régit, était parfaitement muet sur le sujet ? Voici ce qu'observait M. le juge Slidell, pour la Cour Suprême de la Louisiane, dans une cause analogue à celle-ci, décidée en 1850 *: "We are not prepared to say that (C we should not have concurred with the decision of the district judge, even if there were no other reasons for maintaining it "than those which he gave. But our legislation has not left "this matter in doubt. The article 1928, C. C., speaks expressly "of a promise of mariage. It is there treated as a contract, and a measure of damages for its breach is given."

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* Morgan vs. Yarborough, 5 A, Louis, 316.

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