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L'EGLISE ET L'ETAT.

Le dernier bulletin de la Revue Critique contenait sous ce titre un travail, qui n'est autre chose qu'une revue critique du procès Guibord, encore pendant. L'auteur s'est contenté d'affirmer les plus étranges prétentions, sans apporter à la discussion un argument nouveau, un document de nature à éclairer le débat. Une publication aussi durable qu'une Revue ne devrait passer au creuset de la discussion que les procès définitivement jugés, car il n'y a que ceux là qui soient du domaine de la science.

M. Edmond Lareau et moi, nous publions depuis huit mois une histoire documentaire du droit Canadien. L'auteur de l'article en parlant de l'ouvrage et le citant avec une insistance qui nous fait trop d'honneur, omet le nom de mon laborieux collaborateur. Il est difficile d'attribuer cela à un oubli. Non content de cette omission intentionnelle, il me donne une qualité autre que celle qui apparait sur notre livre. Ce ne serait pas, d'après lui, comme historien, Avocat ou Professeur, que je travaillerais à cette histoire du Droit, mais bien comme Président de l'Institut Canadien. En parlant de M. Lareau, qui ne fait pas partie de l'Institut Canadien, l'auteur manquait de prétexte pour me faire figurer comme Président de cette institution. Et pourtant il fallait bien me couvrir de ce titre pour le succès de la cause: Ce n'était pas le procès de la veuve Guibord que l'on critiquait, mais celui de l'Institut Canadien. Or tout ce que son Président pourrait dire ou écrire comme avocat, professeur ou historien serait entaché de partialité et même d'exagération, si ce n'est d'un peu de fausseté. Cette tactique peut-être de guerre louche, même dans une polémique; elle n'est pas admissible dans une revue scientifique du genre de celle-ci. J'ai dû protester ailleurs, lors de la publication de la Revue et je réïtère mes regrets de me engager sur un terrain qui répugne à mes habitudes.

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Dans son

travail, l'auteur cherche à prouver que j'ai voulu affirmer trois points de fait que mes propres citations contredisent. Ceci est grave et demande une réponse.

10. Les libertés gallicanes, dit-il, n'ont jamais été introduites dans la Nouvelle France.

VOL. II.

C

No. 1

20. Il n'y a jamais eu d'officialité sous la domination Française.

30. L'appel comme d'abus n'a jamais existé.

Telles sont les affirmations au sujet desquelles on prétend trouver dans notre livre des preuves dont il sera facile d'apprécier la valeur.

Libertés gallicanes. La déclaration de 1682 n'a été que la réaffirmation du Concordat de 1515. Nous sommes d'accord sur ce point, c'est beaucoup. L'auteur ne veut pas admettre que les Ordonnances royaux postérieures à 1663 n'avaient pas besoin de l'enregistrement au Conseil Supérieur pour avoir force de loi, mais il ne peut se soustraire à l'aveu qu'au moins celles antérieures à cette époque avaient cette qualité en dehors de l'enregistrement, puisqu'il n'y avait pas alors de Conseil Supérieur, ni d'enregistrement possible. Si l'Edit de 1682 ne trouve pas grâce devant l'auteur, il respectera au moins le concordat de 1515. Les libertés gallicanes ne datent pas de 1682 et c'est ignorer l'histoire que de n'en pas faire remonter l'établissement à une époque beaucoup plus reculée. En 1582, juste cent ans avant la célèbre déclaration des évêques de France, Mgr. de Foix, archevêque de Toulouse, écrivait au Pape Grégoire XIII au sujet d'un appel comme d'abus récemment jugé par le parlement de Paris: "Que si après Dieu et la piété et dévotion de nos rois, il y avait chose qui eut conservé la juridiction ecclésiastique, l'autorité du Saint Siége et la foi et la religion catholique en France, c'étaient les parlements, juges souverains des appellations comme d'abus; que ces appellations étaient fondées en plus grande équité qu'on ne croyait, et qu'elles étaient si enracinées en France, que l'on déra. cinerait plutôt tout l'appenin du milieu de l'Italie, que l'on abolirait les appellations comme d'abus de ce royaume, ou qu'on souffrit qu'autre en jugeât que le roi ou sa cour de parlement." (Fevret, T. 1er, pp. 24 et 25).

Nous sommes d'accord aussi sur la portée du Concordat de 1515 relativement à la nomination des évêques: au roi la nomination, au pape l'institution. Ceci est une des libertés gallicanes, n'en déplaise au savant critique! Rayer cette liberté du Code ecclésiastique en France, qu'obtenez vous? Si ce n'est de réunir dans les mains du pape et la nomination et l'institution des évêques. Le pape, par le concordat de 1515, a renoncé à la prérogative de nommer aux évêchés. Depuis cette époque, ce droit a été réuni à la Couronne de France, et lors de l'établissement du Conseil

Supérieur en 1663, rien n'était changé à cet égard. Il est donc tout naturel de conclure que puisque tous les évêques de la Colonie ont été nommés par le Roi de France et institués par le Pape, ce fut en vertu du Concordat de 1515, ou ce qui est tout un, de l'édit fondé sur la déclaration de 1682. Pour réfuter victorieusement cet avancé, il faudrait citer le nom d'un seul évêque, sous la domination Française, qui ait été nommé et institué en même temps par le pape; et l'on peut défier les plus laborieuses recherches historiques pour en trouver un.

Dans une dissertation comme celle-ci, il ne faut pas se laisser distraire par la poursuite d'un but mystérieux, autrement les citations d'auteurs diront tout le contraire de ce qu'elles contiennent. Ainsi le Roi en installant Mgr de Pontbriand, au siége épiscopal de Québec, dit qu'il n'a rien trouvé dans les bulles d'institution de contraire aux privilèges, franchises et libertés de l'Eglise gallicane. En faisant cette citation nous disions, M. Lareau et moi, que c'est la meilleure preuve que les Evêques de la colonie se sont conformés à la déclaration de 1682, autrement appelée la réaffirmation des libertés gallicanes. Le critique, à vues préméditées, ne trouve pas du tout que ce soit là une preuve. Les mots libertés gallicanes sont en toutes lettres dans le document qu'il reproduit, il les souligne même afin qu'ils ne passent pas inaperçus, et cependant il veut nous faire admettre qu'ils n'y sont pas ! Le reste de la discussion sur ce point est de cette force. Il pose des prémisses claires comme 2 et 2 font 4 et il tire une conclusion qui ne va à rien moins qu'à 2 et 2 font 5. Il dit (page 439 de la Revue): "M. Doutre ajoute que Mgr. de Laval a été nommé par le Roi et institué par le Pape, conformément au Concordat de 1515. Soit! Est ce que cela prouve l'introduction en Canada des libertés de l'Eglise gallicane?" Ce raisonnement choque la logique la plus élémentaire. Il faut choisir entre le paradoxe et l'aveuglement. Si la nomination de Mgr de Laval a été conforme au Concordat de 1515 et si ce concordat a créé les libertés gallicanes, faut-il un grand effort de logique pour dire que ces libertés ont dû être introduites dans la Nouvelle France, puisque la nomination de Mgr de Laval a été faite conformément à ces libertés ?

Avant de terminer ce sujet, je ne puis laisser passer une excentricité, qui devient plus comique, quand elle est répétée pour la quatrième fois. Parce que l'on trouve dans les Chartes, Provisions, Brevêts &c., les mots : religion catholique, apostolique et romaine,

on en couclut qu'il n'y avait pas de libertés gallicanes en Canada. Aurait-il fallu pour rendre ce gros argument impossible, remplacer ces mots par religion gallicane! Depuis quand les gallicans ont ils cessé d'être catholiques, apostoliques et romains? Existet-il une religion gallicane? Les Catéchismes en 1600 ou 1700 comme en 1871, en France, font-ils dire aux enfants qu'ils sont gallicans, au lieu de leur apprendre qu'ils sont catholiques apostoliques et romains? M. Mame, le libraire religieux par excellence, en France, publie des Paroissiens romains, à l'usage des catholiques, mais n'a jamais, à ce que je sache, publié des Paroissiens gallicans. Dans dix ansd'ici, quand l'affaire Guibord sera quelque peu oubliée, ceux qui auront attaché leur nom à cette espiéglerie rougiront candidement sans qu'on leur demande.

Ceux qui ont trouvé que dans l'acte de rédaction du Conseil Supérieur, l'énonciation des causes civiles et criminelles dans la définition de la juridiction de ce conseil, excluait la compétence dans les causes canoniques, associeront leur modestie à celle de la première catégorie de logiciens. N'y eut-il que les appels comme d'abus dont le conseil a si souvent pris connaissance qu'ils suffiraient pour établir le fait que le Conseil exerçait un contrôle et une juridiction sans limite.

Officialité: Il n'y a pas de doute que pendant longtemps le Conseil Supérieur ne voulut pas reconnaitre l'officialité et c'est pour cette raison que dans la plupart des arrêts, on voit les mots: prétendue officialité. Mais dès 1713, l'officialité est formellement reconnue. Il peut se faire que le savant critique l'ait ignoré, puisque ses connaissances historiques étaient limitées aux bulletins de notre ouvrage, qui ont été publiés. S'il s'était donné le trouble d'ouvrir un volume qui est à la portée de tous: les Edits et Ordonnances, il aurait trouvé à la page 160 du second volume, une reconnaissance de l'officialité dans l'appel comme d'abus de Jacques Sivre dit St Fort; une autre reconnaissance de l'officialité à la page 163 du même volume, dans l'affaire de Pierre Le Boulanger. On ne peut ici prétexter que ces documents soient inédits: ils sont en la possession du public depuis près de 50 ans. Le seul document inédit que nous ayons publié, a été un défaut accordé à Jacques Sivre dit St Fort contre le promoteur de l'officialité, qui avait jugé à propos de ne pas plaider en Appel: il est néanmoins condamné par le Conseil Supérieur, qui jugeait, en pleine connaissance de cause, un appel comme d'abus. Si le critique auquel je réponds voit si souvent des appels comme d'abus non dé

finitivement décidés, il ne faut pas en conclure que ces appels n'existaient pas, il faut plutôt supposer qu'on règlait la difficulté à l'amiable, avant d'attendre la jugement final: ce qui prouve hors de doute l'efficacité de cette procédure. Nier que l'officialité a existé, c'est rejeter de l'histoire les nombreux documents qui l'établissent et c'est user de la même force de raisonnement déjà signalée, qui a servi à nier l'existence du droit gallican, en Canada.

Appel comme d'abus: Il faudrait ici me répéter pour démontrer qu'il y a eu plusieurs appels comme d'abus.

Il s'est trouvé toutefois des touristes qui, ayant lu Notre-Dame de Paris et croyant que tout était fiction dans ce livre, ont eu besoin d'être conduits sous le péristyle de l'église pour croire à son existence. Je vais en faire autant pour ceux qui ont des yeux et ne voient pas.

Edits et Ordon. T. 2, pp 129 et 130 Appel Comme d'Abus.

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p 160

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66 p 163

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p 193

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Ce dernier est celui qui a fait le plus

de bruit. Il concernait les funérailles de l'Evêque de St Valier. Le cas de Sivre dit St Fort est conclusif vû que l'appel a été définitivement jugé. Comme on le voit nos affirmations sont conformes à nos citations.

GONZALVE DOUTRE.

En publiant cet écrit de M. Doutre, la Rédaction de la Revue doit rappeler à ses correspondants deux règles invariables de sa direcţion:

lo Lorsqu'un article de la Revue provoque une réponse, cette réponse doit être adressée directement à la Revue d'abord, et ne peut être admise lorsque celui qui la fait s'est déjà adressée à la presse quotidienne pour discuter le même sujet.

2 Les écrits adressés à la Revue doivent être strictement exempts d'allusions personnelles et garder toujours la dignité du style légal. L'article de M. Doutre manque à ces deux règles, mais comme il a trait à un écrit publié par un des Directeurs de la Revue, à la demande spéciale de ce dernier, la Direction a cru devoir consentir à sa publication,

NOTE DE LA RÉDACTION,

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