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DE L'INÉXÉCUTION DES OBLIGATIONS.

Toute obligation constitue pour celui qui en est tenu, une restriction de sa liberté naturelle. Sans elle il pourrait s'abstenir d'un certain acte ou le faire; à cause d'elle il ne le peut plus qu' avec le bon plaisir de son créancier. Elle l'a mis dans la dépendance de celui-ci. Il se trouve astreint par la loi civile à faire cet acte ou à s'en abstenir.

Les auteurs appellent prestation, l'acte ou l'abstention à l'égard desquels la liberté du débiteur se trouve ainsi restreinte.

Cette prestation, dont la necessité légale restreint la liberté du débiteur, doit être exécutée dans un certain temps, en un certain lieu, et d'une certaine manière. En effet, nous venons de voir que l'obligation constitue une restriction de la liberté du débiteur. Or la liberté renfermant la faculté d'agir ou de ne pas agir toujours, partout, n'importe comment, les restrictions qu'on lui met ne peuvent être caractérisées qu'à ces trois points de vue.

Le temps, le lieu, et le mode d'exécution de la prestation qui en fait l'objet, sont donc des éléments essentiels de l'obligation. Par conséquent, si une obligation n'est pas exécutée au temps et au lieu où elle doit l'être, de la manière qui lui est propre, on peut dire qu'elle n'est pas exécutée du tout; car, s'il est fait quelque chose par le débiteur sous prétexte de l'accomplir, ce quelque chose ne peut être, tout au plus, qu'un équivalent partiel.

Il peut se faire que le créancier se contente de cet équivalent. Il se peut aussi que le créancier ne soit pas disposé à s'en contenter, mais qu'il ne souffre aucun dommage à raison de l'inexécution de l'obligation. Il est évident qu'il ne peut alors avoir aucune action contre son débiteur, puisqu'il n'a pas d'intérêt a l'exécution de l'obligation, et que l'intérêt est la base et la limite des actions.

Mais il arrivera bien rarement que le créancier, ou bien n'ait aucun intérêt à l'accomplissement de l'obligation, ou bien veuille se contenter de l'équivalent partiel que fournit le débiteur. Le plus souvent donc, lors qu'une obligation n'est pas exécutée exactement au temps, au lieu et de la manière voulus, on voit s'élever la question de savoir quels sont les effets de son infraction totale ou partielle. A première vue, il semble que ces effets

sont faciles à comprendre. L'obligation constitue pour le créancier un droit; or la violation de tout droit donne naissance à une action. L'infraction d'une obligation, lorsqu'il en résulte quelqu' effet, doit donc produire une action en faveur du créancier. Mais, quelles sont les conditions nécessaires pour que cette action existe, quels sont les faits qui peuvent l'empêcher de prendre naissance, quel en est l'objet ? Voila autant de questions subsidiaires, dont la solution est nécessaire pour résoudre cette question principale: quels sont les effets de l'inexécution d'une obligation?

Avant d'aller plus loin, constatons bien un principe trop souvent méconnu. Suivant beaucoup d'auteurs, pour savoir quels effets produit l'infraction d'une obligation, il faut distinguer entre les obligations de donner, les obligations de faire et les obligations de ne pas faire. L'inéxécution d'une obligation de l'une de ces deux dernières espèces donnerait toujours lieu à une action en dommages intérêts, pendant que l'infraction de l'obligation de donner pourrait quelquefois occasionner une action pour en obtenir l'exécution. La raison qu'on donne de cette distinction, c'est que personne ne peut être forcé à faire, nemo precise cogi potest ad factum, pendant qu'on peut forcer un débiteur à don

ner.

Cette distinction provient de ce qu'on ne fait pas attention à la nature propre de l'action en dommages-intérêts. Celle-ci est une action en indemnité c-à-d une action tendant à mettre le créancier comme il serait si l'obligation eût été exécutée. Or on indemnise presque toujours avec de l'argent, parceque celui-ci permet de se procurer toute espèce de choses. Mais il est évident qu'on pourrait aussi indemniser le créancier en lui donnant les choses qu'il voudra se procurer avec de l'argent. Voilà pourquoi, lorsqu'il est possible de procurer directement au créancier ce que lui aurait donné l'exécution de l'obligation, on le lui procure. Cela n'est possible, en général, que dans les obligations de donner; cependant, la chose peut aussi se pratiquer quelquefois dans les obligations de faire, par exemple, dans l'obligation de construire une maison. Mais, même alors, il est évident que le créancier n'obtient qu'une indemnité, qu'un équivalent, car il avait droit de compter sur un certain exercise de l'activité du débiteur, et ici le débiteur reste inactif; c'est l'autorité publique qui agit à sa place, bien qu'elle le fasse à ses dépens.

L'on se convaincra mieux encore de la vérité de ce qui précède, si l'on veut faire attention à la nature des obligations. Celles-ci sont des restrictions à la liberté du débiteur. La liberté de ce dernier consiste à faire tout ce que lui permet le droit commun, et à s'abstenir de tout ce qu'il ne lui ordonne pas. Pour qu'elle soit restreinte, il faut donc qu'il soit dans la nécessité légale de faire ou de ne pas faire quelque chose en dehors du droit commun. Cela est si vrai que l'obligation de donner est une espèce d'obligation de faire, c'est l'obligation de faire la remise d'une chose ou la translation d'un droit.

Il est donc constant, que toute obligation, lorsque sa violation la transforme en droit d'action, doit nécessairement donner lieu à une action en indemnité, c. à. d. en dommages intérêts.

Voyons, maintenant, quelles sont les conditions nécessaires pour qu'une obligation se transforme ainsi en action de dommagesintérêts. Sans doute, il faut, pour cela, qu'elle soit enfreinte, que le droit de créance du créancier soit violé, puisque toute action suppose nécessairement la violation d'un droit. Mais, quand une obligation peut-elle être considérée comme enfreinte par le débiteur? D'abord, ce ne peut être que lorsqu'il ne l'exécute exactement au temps, au lieu et de la manière qui lui sont propres.

pas

Ceci nous amène à examiner le temps, le lieu et la manière dont un débiteur doit agir pour exécuter son obligation.

mun.

Quant au mode d'action nécessaire de la part du débiteur pour qu'il exécute son obligation, il n'y a presque rien de général à en dire. Toutes les obligations ont sur ce point un tel caractère d'individualité, qu'on n'y rencontre, presq'au aucun élément comLes seules obligations, à peu près, pour lesquelles on puisse à cet égard poser des règles générales, sont les obligations de genre, comme l'obligation de donner un cheval, et les obligations de quantités, comme l'obligation de fournir tant de minots de blé, tant de gallons de vin, surtout l'obligation de donner telle somme d'argent. Mais les règles générales sur le mode d'exécution de ces obligations sont si connues, qu'il serait oiseux de s'en occuper.

Le lieu où doit s'accomplir chaque obligation ne présente guère plus de difficultés. D'abord, il peut être déterminé par la convention, dans les obligations qui naissent des contrats. Il l'est même implicitement dans certains cas. C'est ainsi, par exemple, que l'obligation de livrer un immeuble ne peut être exécutée

qu'au lieu où il se trouve. Dans le doute sur l'étendue d'une obligation, celle-ci doit s'exécuter de la maniére la moins onéreuse pour le débiteur. S'il s'agit d'une obligation de donner, il peut donc alors l'exécuter soit au lieu où se trouve la chose à remettre, soit à son propre domicile. Quant aux obligations de faire ou de ne pas faire, le lieu de leur exécution est presque toujours déterminé par leur nature même.

J'arrive à la question de savoir à quel moment un débiteur doit exécuter son obligation. D'abord, s'il a un délai pour le faire, il est évident qu'il n'est pas obligé d'agir avant l'arrivée du terme. Mais, soit qu' ayant eu un délai celui-ci soit expiré, soit qu'il n'ait aucun délai, doit-il exécuter immédiatement son obligation? Oui, s'il a été convenu avec le créancier que l'expiration du délai tiendrait lieu au débiteur d'un avertissement d'exécuter; on bien si la loi a décidé que le débiteur n'aurait pas droit à un avertissement, ce qu'elle fait d'un manière géné. rale pour toutes les obligations de ne pas faire, pour toutes celles qui ne peuvent être accomplies d'une manière utile pour le créancier que pendant un certain temps, et pour toutes les obligations commerciales pour l'accomplissement desquelles un terme a été fixé, parcequ'elle présume alors une convention dans ce but.

Dans tout autre cas, le débiteur n'est obligé d'exécuter son obligation que lorsque son créancier lui a demandé de le faire. Cette demande est exigée, parceque, sans elle, le débiteur peut croire que son créancier n'a pas besoin de la prestation, et ne souffre pas de ce que celle-ci est retardée. La demande peut se faire soit sous forme d'une interpellation en justice, soit sous forme de sommation extra-judiciaire. Cette dernière espèce de sommation doit, en général, se faire par écrit, et la meilleure forme alors consiste dans un protêt notarié. Toutefois, s'il s'agit d'une obligation née d'un contrat verbal, la demande peut se faire verbalement. (Articles 1067 à 1069 du Code Civil.)

Il est évident que puisque, la loi exige cette demande d'exécu tion, cette sommation du créancier, elle doit être faite aux frais de celui-ci, et non pas aux dépens du débiteur. C'est donc le créancier qui doit payer les frais du protêt ou de l'exploit d'ajournement signifiés à son débiteur, lorsque eelui-ci a droit à une mise en demeure. C'est aussi ce que nos tribunaux décident sans difficulté à l'égard du protêt notarié; mais, par un manque de logique des plus singuliers, si un créancier, au lieu d'avertir son débiteur au moyen d'un protêt notarié, l'avertit au moyen

d'un exploit d'ajournement; nos cours font invariablement payer les frais de celui-ci au malheureux débiteur, même si ce dernier avait les meilleures raisons de croire que son créancier n'avait pas besoin immédiatement de la prestation due.

Lorsqu' est arrivé le moment où le débiteur doit exécuter son obligation, s'il ne l'exécute pas de suite, on dit qu'il est en demeure, in mora, c'est-à-dire, en retard dans l'accomplissement de son obligation. Il enfreint alors celle-ci dans une de ses parties essentielles.

En résumé, la prestation qui fait l'objet d'une obligation quelconque se compose de trois éléments: le temps, le lieu et la mode d'exécution; l'obligation peut, par conséquent, être enfreinte soit quant à ces trois éléments à la fois, soit quant à l'un d'eux seulement. Si cette infraction produit des effets, ce ne peut être qu'une action de dommages-intérêts en faveur du créancier, et pour cela, il faut que le créancier ait eu intérêt à ce que l'obligation fût exécutée.

Voyons maintenant, dans quels cas le débiteur est tenu d'une pareille action, dans quel cas il en est exempt, quel est le but de l'action, et quelles en sont les limites.

D'abord dans quel cas l'inexécution totale ou partielle d'une obligation la transforme-t-elle en action de dommages-intérêts? On peut poser comme principe, que c'est dans tous les cas où la loi ne suppose pas qu'il a été impossible au débiteur d'exécuter son obligation. Il est évident, en effet, qu'aux yeux de la loi, comme aux yeux du bon sens, à l'impossible nul n'est tenu. Sans doute c'est au débiteur à prouver l'impossibilité dans laquelle il a été d'accomplir son obligation; mais dès qu'il l'établit, il n'est responsable ni de ce qu'il ne l'a pas exécutée au temps, ni de ce qu'il ne l'a pas exécutée au licu, ni de ce qu'il ne l'a pas exécutée de la manière voulus, ni même de ce qu'il ne l'a pas exécutée du

tout.

Il est donc très-important de savoir quand la loi considère qu'il y a eu une impossibilité suffisante pour dégager le débiteur de toute responsabilité. D'abord elle ne tient compte que d'une impossibilité absolue, c'est-à-dire d'une impossibilité qui existerait pour tout le monde, par exemple, l'impossibilité provenant de la mort du cheval, lors qu'il s'agit de l'obligation de fournir un cheval. La loi ne prend pas en considération l'impossibilité relative, c'est-à-dire, celle qui n'existe que pour le débiteur, comme serait l'obligation de donner cent louis pour celui qui n'a pas cent

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