Lapas attēli
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seconde partie m'exprime par une locution développée. Vous me dites deux fois la même chose; vous mettez le même fait sous deux termes différents : vous n'ajoutez pas un fait à un fait, vous allez du même au même. Votre proposition n'est pas instructive. Vous pourriez en amasser un million de semblables, mon esprit resterait aussi vide; j'aurais lu un dictionnaire, je n'aurais pas acquis une connaissance. Au lieu de dire que les propositions qui concernent l'essence sont importantes, et que les propositions qui concernent les qualités sont accessoires, il faut dire que les propositions qui concernent l'essence sont accessoires, et que les propositions qui concernent les qualités sont importantes. Je n'apprends rien quand on me dit qu'un cercle est la figure formée par la révolution d'une droite autour d'un de ses points pris comme centre ; j'apprends quelque chose lorsqu'on me dit que les cordes qui sous-tendent dans le cercle des arcs égaux sont égales, ou que trois points suffisent pour déterminer la circonférence. Ce qu'on appelle la nature d'un être est le réseau des faits qui constituent cet être. La nature d'un mammifère carnassier consiste en ce que la propriété d'allaiter, avec toutes les particularités de structure qui l'amènent, se trouve jointe à la possession des dents à ciseaux ainsi qu'aux instincts chasseurs et aux facultés correspondantes. Voilà les éléments qui composent sa nature. Ce sont des faits liés l'un à l'autre comme une maille à une maille. Nous en apercevons quelques-unes, et nous savons qu'au delà de notre science

présente et de notre expérience future, le filet étend à l'infini ses fils entrecroisés et multipliés. L'essence ou nature d'un être est la somme indéfinie de ses propriétés. «< Nulle définition, dit Mill, n'exprime cette nature tout entière, et toute proposition exprime quelque partie de cette nature1. » Quittez donc la vaine espérance de démêler sous les propriétés quelque être primitif et mystérieux, source et abrégé du reste; laissez les entités à Duns Scott; ne croyez pas qu'en sondant vos idées comme les Allemands, en classant les objets d'après le genre et l'espèce comme les scolastiques, en renouvelant la science nominale du moyen âge, ou les jeux d'esprit de la métaphysique hégélienne, vous puissiez suppléer à l'expérience. Il n'y a pas de définitions de choses; s'il y a des définitions, ce ne sont que des définitions de noms. Nulle phrase ne me dira ce que c'est qu'un cheval, mais il y a des phrases qui me diront ce qu'on entend par ces six lettres. Nulle phrase n'épuisera la totalité inépuisable des qualités qui font un être, mais plusieurs phrases pourront désigner les faits qui correspondent à un mot. Dans ce cas, la

1. The definition, they say, unfolds the nature of the thing: but no definition can unfold its whole nature; and every proposition in which any quality whatever is predicated of the thing, unfolds some part of its nature. The true state of the case we take to be this. All definitions are of names, and of names only; but, in some definitions, it is clearly apparent, that nothing is intended except to explain the meaning of the word; while in others, besides explaining the meaning of the word, it is intended to be implied that there exists a thing, corresponding to the word.

définition peut se faire, parce qu'on peut toujours faire une analyse. Du terme abstrait et sommaire elle nous fait remonter aux attributs qu'il représente et de ces attributs aux expériences intérieures ou sensibles qui leur servent de fondement. Du terme chien elle nous fait remonter aux attributs mammifère, carnassier et autres qu'il représente, et de ces attributs aux expériences de vue, de toucher, de scalpel, qui leur servent de fondement. Elle réduit le composé au simple, le dérivé au primitif. Elle ramène notre connaissance à ses origines. Elle transforme les mots en faits. S'il y a des définitions comme celles de la géométrie, qui semblent capables d'engendrer de longues suites de vérités neuves', c'est qu'outre l'explication d'un mot, elles contiennent l'affirmation d'une chose. Dans la définition du triangle, il y a deux propositions distinctes, l'une disant qu'il peut y avoir une figure terminée par trois lignes droites; l'autre disant qu'une telle figure s'appelle un triangle. La première est un postulat, la seconde est une définition. La première est cachée,

1. The definition above given of a triangle, obviously comprises not one, but two propositions, perfectly distinguishable. The one is, "There may exist a figure bounded by three straight lines; " the other," And this figure may by termed a triangle". The former of these propositions is not a definition at all; the latter is a mere nominal definition, or explanation of the use and application of a term. The first is susceptible of truth or falsehood, and may therefore be made the foundation ot a train of reasoning. The latter can neither be true nor false; the only character it is susceptible of is that of conformity to the ordinary usage of language.

la seconde est visible; la première est susceptible de vérité ou d'erreur, la seconde n'est susceptible ni de l'une ni de l'autre. La première est la source de tous les théorèmes qu'on peut faire sur les triangles, la seconde ne fait que résumer en un mot les faits contenus dans l'autre. La première est une vérité, la seconde une commodité; la première est une partie de la science, la seconde un expédient du langage. La première exprime une relation possible entre trois lignes droites, la seconde donne le nom de cette relation. La première seule est fructueuse, parce que seule, conformément à l'office de toute proposition fructueuse, elle lie deux faits. Comprenons donc exactement la nature de notre connaissance : elle s'applique ou aux mots, ou aux êtres, ou à tous les deux à la fois. S'il s'agit de mots, comme dans les définitions de noms, tout son effort est de ramener les mots aux expériences primitives, c'est-à-dire aux faits qui leur servent d'éléments. S'il s'agit d'êtres, comme dans les propositions de choses, tout son effort est de joindre un fait à un fait, pour rapprocher la somme finie des propriétés connues de la somme infinie des propriétés à connaître. S'il s'agit des deux, comme dans les définitions de nom qui cachent une proposition de chose, tout son effort est de faire l'un et l'autre. Partout l'opération est la même. Il ne s'agit partout que de s'entendre, c'està-dire de revenir aux faits, ou d'apprendre, c'est-àdire de joindre des faits.

V

Voilà un premier rempart détruit; les adversaires se réfugient derrière le second, la théorie de la preuve. En effet celle-ci, depuis deux mille ans, passe pour une vérité acquise, définitive, inattaquable. Plusieurs l'ont jugée inutile, mais personne n'a osé la dire fausse. Chacun l'a considérée comme un théorème établi. Regardons-la de près et avec toute notre attention. Qu'est-ce qu'une preuve? Selon les logiciens, c'est un syllogisme. Et qu'est-ce qu'un syllogisme? C'est un groupe de trois propositions comme celui-ci : « Tous les hommes sont mortels; le prince Albert est un homme; donc le prince Albert est mortel. » Voilà le modèle de la preuve, et toute preuve complète se ramène à celle-là. Or, selon les logiciens, qu'y a-t-il dans cette preuve? Une proposition générale concernant tous les hommes qui aboutit à une proposition particulière concernant un certain homme. De la première on passe à la seconde, parce que la seconde est contenue dans la première. Du général on passe au particulier, parce que le particulier est contenu dans le général. La seconde n'est qu'un cas de la première; sa vérité est enfermée par avance dans celle de la première, et c'est pour cela qu'elle est une vérité. En effet, sitôt que la conclusion n'est plus contenue dans les prémisses, le raisonnement est faux, et toutes les rè

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