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prié, mais les dommages ou la dépréciation de valeur du terrain restant à M. Wilson, puisque le montant des loyers ne souffrait pas de diminution. C'est dans ces circonstances que, le 14 avril 1868, la corporation fit procéder à la nomination de commissaires, pour fixer la valeur de l'expropriation à faire sur Wilson, de 750 pieds de sa propriété, au coin des rues McGill et St-Joseph. Masson, Brown et Springle furent nommés, par un des juges de la cour Supérieure, en la manière ordinaire, en vertu des dispositions de l'acte 27 et 28 Victoria chap. 60, relatif à la corporation de Montréal, section 13. Aux termes du § 5 de cette section, ces commissaires doivent se faire assermenter par le protonotaire de cette cour, et ils sont revêtus des mêmes devoirs que confèrent aux experts les lois du Bas-Canada, au sujet des experts. Par les §§ 6 et 7 ils doivent" procéder à estimer et fixer le montant du prix, indem"nité ou compensation qu'ils croiront juste et raisonnable, "pour chacun des terrains ou immeubles, ou partie d'iceux, dont l'expropriation est faite, ou pour les dommages causés "par telle expropriation; et, à cette fin, ils sont autorisés à "requérir les propriétaires, à leur communiquer les titres, à "entendre les parties, examiner et interroger leurs témoins, "le tout vivà voce, et sans rapporter tels interrogatoires et examen avec leur rapport." C'était certainement vouloir faire de ces commissaires de vrais experts, qui auraient à s'informer pour faire leur rapport d'après ce que pourraient leur dire ces témoins, de même encore qu'ils pourraient faire leur rapport d'après leur connaissance et expérience supposée des choses, sans être positivement liés par le dire des témoins et des intéressés. Le parag. 8 de la même lecture leur dicte ce qu'ils ont à faire quand l'expropriation ne devra s'opérer que sur une partie du terrain. "Ils doivent fixer le dommage ou "la diminution de valeur du reste du terrain, par la séparation d'icelui de la partie requise par la dite corporation, et "établir: 1 La valeur intrinsèque de la partie du terrain à " être prise, et 2o la plus value, s'il y en a, qui devra résulter de l'amélioration projetée au reste de la propriété, et la dif"férence, entre la valeur intrinsèque et la plus value, constituera le prix auquel aura droit l'exproprié, et, quand les "commissaires décideront que la plus value est égale à la valeur intrinsèque, ou la dépasse, ils n'accorderont aucun prix "pour le terrain exproprié." Dans le présent cas, il est admis qu'il n'y avait pas de plus value pour la partie du terrain non expropriée, et il ne s'agissait que de fixer la valeur intrinsèque du morceau exproprié, et les dommages que l'expropriation du terrain faisait subir au restant de la propriété. Je vais maintenant rapporter textuellement le §9 de la même section, qui donne aux juges de cette cour le droit de juridic

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tion et de surveillance sur la conduite et les actes des commissaires dans l'exécution de leurs devoirs: "Si l'un ou plu"sieurs des dit commissaires, en aucun temps après leur nomination, négligent de remplir avec diligence les devoirs qui leur sont imposés par les dispositions du présent acte, "ou ne les remplissent pas fidèlement, diligemment et impartialement, il sera loisible à la corporation de la dite cité, par son procureur, de s'adresser, par requête sommaire. à la "dite cour Supérieure ou à un juge d'icelle, suivant le cas, "pour faire suspendre les procédés des dits commissaires et "destituer et remplacer le commissaire ou les commissaires qui auront forfait à leurs obligations, et sur telle requête la la dite cour ou le dit juge pourra décerner tels ordres qu'elle "ou qu'il jugera conformes à la justice." Les termes sont assez clairs et précis pour y voir certainement l'intention de la légis lature de ne pas tout laisser au jugement et à l'arbitraire des commissaires, mais, au contraire, de les assujettir, dans l'exercice de leurs devoirs, à la surveillance et à la direction de la cour ou d'un juge, s'il leur arrivait de s'écarter de ce que la loi attendait d'eux, dans le mode d'apprécier et d'établir la valeur de la portion du terrain exproprié et les dommages résultant au surplus du terrain. Si leur rapport était fini et complété, je verrais quelque difficulté, peut-être, à faire intervenir mon autorité, parce que la leur, comme experts, aurait déjà cessé, et ils auraient cessé par là même d'être dépendants de l'autorité du juge, mais dans ce cas-ci, ils sont encore soumis à l'autorité judiciaire, tant qu'ils n'ont pas fait leur rapport et accompli ce pourquoi ils ont été commissionnés. En effet, l'on conçoit aisément que la législature n'a pas pu vouloir laisser entièrement la fortune des citoyens à l'arbitraire de personnes chez lesquelles on ne peut pas toujours espérer de trouver des connaissances légales suffisantes sur les règles de droit à suivre en pareille matière, règles d'autant plus difficiles que l'on n'en trouve nulle part de précises et positives, qui puissent s'appliquer à chaque cas. Il s'agira donc de voir s'il y a lieu, dans le cas actuel, de l'intervention de l'autorité judiciaire, d'après ce qui est en preuve, au cas où les commissaires dont on se plaint n'auraient pas agi fidèlement, diligemment et impartialement. Il ne faudrait pas prendre ces trois mots dans leur sens étroit et restreint; ce ne serait pas agir suivant ce que le législateur a eu en vue. Ainsi, en se servant du mot diligemment, le législateur ne voulait pas dicter aux commissaires d'agir promptement, ce qui est le sens étroit du mot, mais d'agir avec soin, avec exactitude, et avec attention. Ce n'était pas un mouvement prompt qu'on leur imposait. Mais on voulait les obliger d'étudier, examiner et considérer diligemment ce dont il s'agissait; c'est là le vrai sens du mot.

La diligence, en ce cas, consistait à bien s'informer de ce que la loi avait en vue, et des règles de droit qui pouvaient s'appliquer au cas actuel d'expropriation, et aux contrats et conventions que venait de faire l'exproprié, de bien les comprendre, d'en saisir l'ensemble, et de voir quelle portée ils avaient en regard de ce dont il s'agissait, et de ne pas trop s'éloigner, dans l'estimation des dommages, de la règle que l'exproprié Wilson, avait lui-même fixé et établie, plus ou moins formelment, dans son contrat de bail à Baillie, et dans son contrat de vente à Ewing. Agir autrement pouvait exposer les commissaires au reproche qu'ils n'agissaient pas avec l'impartialité que la loi attendait d'eux, qualité qui est la plus essentielle à un juge, et à un arbitre, ou expert, de même qu'il pouvait les exposer au reproche de partialité qui est définie comme suit par un savant écrivain anglais: "Partiality is properly the "understanding, judging according to the inclination of the "will and affection, and not according to the exact truth of "things, or the merits of the cause." Il faut voir maintenant ce dont les requérants se plaignent en leur requête, et s'ils peuvent avoir raison de demander l'intervention du juge pour arrêter les procédés des commissaires, révoquer la nomination de Brown et Springle, comme ayant méconnu leur devoir, et faire procéder à la nomination de deux autres, pour agir conjointement avec Masson, l'autre commissaire. La corporation, pour motif ou raison principale de sa requête, allègue que l'un des experts, Masson, avait fait un rapport pour $7,862.50, tandis que Brown et Springle avaient fait un rapport pour le montant de $19,500. Les autres raisons reposant sur l'amitié supposée exister entre Wilson, Springle et Brown, et sur les services pécuniaires par lui rendus à ces Messieurs, ne me paraissent pas avoir été prouvés, et j'éviterai d'en faire plus de mention non plus que de ce que l'on reproche à ces deux commi-saires, lors de l'assemblée du mois d'août au Conseil-de-Ville pour entendre les intéressés. La preuve ne constate rien de telle; ce sont des accusations que ne justifie pas la preuve faite devant moi. D'ailleurs, je trouve dans le témoignage même de Masson le désaven de toute intention de reproches, de manque de sincé-rité de Brown et Springle, dans leur manière de voir et d'estimer les dommages. Le fait est qu'il est bien malheureux qu'il y ait eu tant d'aigreur de part et d'autre à propos cette affaire, et que l'on n'ait pas évité d'introduire dans la procédure l'énorme quantité de témoignages écrits, pleins d'accusations et de récriminations, et qui n'étaient pas nécessaires pour l'adjudication du mérite des deux rapports. Je dis le mérite du rapport, car, du moment qu'il est connu quel est le mode d'appréciation que les commissaires ont suivi, ou sur quoi a porté leur estimation pour arriver à un montant quel

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conque de la valeur du terrain et des dommages à payer, il devenait alors possible pour le juge de déclarer s'il y avait lieu pour lui d'intervenir et de remédier à l'erreur des commissaires, si ces derniers avaient fait entrer dans leur estimation ce qui en devait être exclu. J'avais voulu éviter toute cette enquête aux parties, dès le mois d'octobre, 1868, en les invitant à faire de part et d'autre des adınissions de faits sans préjudice aux questions du droit; mais elles ont refusé d'accéder à la suggestion que je leur faisais pour commencer une longue enquête qui a occasionné de grands frais et une grande perte de temps. J'ai eu à regretter de ne pas me croire autorisé par la loi à leur imposer la suggestion que je leur avais faite. Pour revenir aux requêtes présentées je dois dire que celle des intéressés, Walter Benny et autres accentue un peu plus fortement que celle de la corporation sur les reproches qu'ils font aux commissaires, et ils allèguent "que Brown et "Springle ont refusé de réduire leur rapport excessif de $19,500, et. en outre, que ce montant énorme fait nécessai"rement présumer la partialité et la vénalité de Brown et Springie," Les réponses aux requêtes ne sont que des dénégations des accusations portées contre les commissaires, précédées de la narration de leurs procédés depuis leur nomination, affirmant qu'ils avaient tenu plusieurs assemblées en juin, après notices duement données ; que Wilson avait fait entendre grand nombre de témoins pour prouver la valeur du terrain exproprié et les dommages ou déprécation qui lui en résulteront pour le restant de son terrain, et que la corporation s'était abstenue de faire une preuve au contraire, ayant même déclaré une première fois qu'elle déclarait son enquête close, et que ce ne fut que sur leurs pressentes réquisitions, que Laurent et Bulmer furent entendus pour contredire ou diminuer l'importance de la preuve faite par Wilson. Ces allégués me paraissent prouvés, et m'obligent de dire que ceux qui devaient représenter la Corporation et ses intérêts en ces différentes occasions ne me paraissent pas avoir fait ce qu'ils auraient pu et dû faire dès le commencement des opérations des Commissaires. Ce n'est qu'après que ces derniers eurent donné un avis plus direct aux intéressés, en autant qu'ils devraient être taxés pour payer cette expropriation, que la corporation s'est occupée de venir à l'aide des requérants et autres citoyens de la rue St. Joseph. Cette négligence et cette apathie de la part de la corporation, ne justifiaient pas cependant un mode d'appréciation des dommages en dehors de ce que la loi et la justice dictaient aux commissaires. Dans ces cas d'expropriation, la corporation pourrait assister les Commissaires par ses avocats pour les renseigner sur la loi. Des procureurs et avocats, en pareille circonstance, sont censés ne représenter

que le public. Ce qui paraît encore étrange, c'est que les témoins mêmes entendus de la part de la corporation sont tombés eux-mêmes dans l'erreur, et la même fausse appréciation que les pétitionnaires, par leur requête, reprochent aux deux commissaires Brown et Springle; et c'est ici l'occasion de dire qu'il n'était pas généreux ni juste de vouloir faire retomber sur eux seuls le blâme qui doit s'attacher à leur manière de procéder à l'estimation des dommages, parce que ce mode d'appréciation des dommages semble avoir été l'erreur commune des trois commissaires et même de la corporation et des témoins entendus à sa requisition, Bulmer et Laurent. Sils sont bien blâmables, ce n'est que d'avoir persisté à maintenir leur rapport (fait d'abord pour le montant excessif de $19,500) à celui de $13,600 lorsqu'il paraissait évidemment, par la preuve écrite faite devant eux, que la valeur extrême du terrain exproprié, en y comprenant tous dommages résultant au terrain restant à l'exproprié, ne pouvait s'élever tout au plus qu'à la somme de $7,500. C'était cette somme-là même que Masson aurait consenti d'accorder en dernier lieu, pour arriver à un entendement avec les deux autres commissaires. C'est à présent le moment d'exposer les principes du droit sur la matière. Le droit français, ainsi que le droit anglais et américain nous en donneront des règles sûres, et, indépendamment de ce que les commissaires auraient pu trouver dans les procédés et les rapports des commissaires qui ont eu à procéder, lorsqu'il s'est agi de l'expropriation de partie de la rue Notre-Dame, en vertu du même statut, en 1864 et 1865. Il faut néanmoins observer que ces autorités s'appliquent généralement au cas d'expropriation d'une maison ou bâtiment, pour partie, dont le surplus restait pour être réparé, réédifié ou destiné à d'autres fins, tandis que, dans ce cas-ci, les vieilles bâtisses n'entraient pour rien ou très peu de chose dans l'estimation à faire. Wilson, comme l'avons vu, devait immédiatement les démolir pour construire à neuf des magasins dont le loyer était le même, que l'expropriation eut lieu ou non, c'est-à-dire, soit que la largeur des 3 magasins fût de 87 pieds ou de 72 pieds. Du fait que les magasins, s'ils n'étaient que de 72 pieds de front, sur la rue McGill au lieu de 87, devaient rapporter le même loyer, il résulte nécessairement la preuve évidente que l'élargissement de la rue St. Joseph profitait à Wilson, puisque n'ayant qu'à bâtir sur 72 pieds de front, il aurait à faire des bâtisses moins coûteuses que sur 87 pieds, tout en retirant le même loyer; d'ailleurs, c'est une chose incontestable que l'élargissement de la rue St. Joseph profitait au coin de la rue McGill. Pour démontrer quelles sont les règles d'appréciation que les commissaires devraient suivre et d'après lesquelles ils devraient

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