Lapas attēli
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votre illustre carrière! Isabelle, mon amour! Belinda! Parlez à mistress Hoggarthy. Dites-lui que la maison de John Brough est à elle, depuis la mansarde jusqu'à la cave. Je le répète, madame, depuis la cave jusqu'à la mansarde je désire, je supplie, j'ordonne que les malles de mistress Hoggarthy, du château de Hoggarthy, soient en ce moment même portées dans ma voiture. »- Ce style fait rire, si l'on veut, mais d'un rire triste. On vient d'apprendre que l'homme est hypocrite, injuste, tyrannique, aveugle. Affligé, on se retourne vers l'auteur, et l'on ne voit, sur ses lèvres, que des sarcasmes, sur son front, que du chagrin.

IV

Cherchons bien; peut-être, en des sujets moins graves, trouverons-nous quelque occasion de franc rire. Considérons, non plus une coquinerie, mais une mésaventure : une coquinerie révolte, une mésaventure peut amuser. Il n'en est rien; jusque dans un amusement, la satire ici conserve sa force, parce que la réflexion conserve ici son intensité. Il y a dans la drôlerie anglaise un sérieux, un effort, une applicalion étonnante, et leurs folies comiques sont composées avec autant de science que leurs sermons. La puissante attention décompose son objet en toutes ses parties, et le reproduit avec une minutie, un relief qui font illusion. Swift décrit la contrée des chcvaux parlants, la politique de Lilliput, les inventeurs

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de l'Ile-Volante, avec des détails aussi précis et aussi concordants qu'un voyageur expérimenté, explorateur exact des mœurs et du pays. Ainsi soutenus, le monstre impossible et le grotesque littéraire entrent dans la vie réelle, et le fantôme de l'imagination prend la consistance des objets que nous touchons. Thackeray porte dans la farce cette gravité imperturbable, cette solidité de conception et ce talent d'illusion. Regardez une de ses thèses morales: il veut prouver que dans le monde il faut se conformer aux usages reçus, et transforme ce lieu commun en une anecdote orientale. Comptez les détails de mœurs, de géographie, de chronologie, de cuisine, la désignation mathématique de chaque objet, de chaque personne et de chaque geste, la lucidité d'imagination, la profusion de vérités locales; vous comprendrez pourquoi sa moquerie vous frappe d'une impression si originale et si poignante, et vous y retrouverez le même degré d'étude, la même énergie d'attention que dans les ironies et dans les exagérations précédentes : son enjouement est aussi réfléchi et aussi fort que sa haine; il a changé d'attitude, il n'a point changé de faculté.

J'ai une aversion naturelle pour l'égotisme, et je déteste infiniment l'habitude de se louer soi-même; mais je ne puis m'empêcher de raconter ici une anecdote qui éclaire le point en question, et où j'ai agi, je crois, avec une remarquable présence d'esprit.

Étant à Constantinople, il y a quelques années, pour une mission délicate (les Russes jouaient un double jeu et, de notre côté, il devint nécessaire d'envoyer un négociateur sup

plémentaire), Leckerbiff, pacha de Roumélie, alors premier galéongi de la Porte, donna un banquet diplomatique dans son palais d'été à Bukjédéré. J'étais à la gauche du galėongi, et l'agent russe, le comte Diddlof, était à sa droite. Diddlof est un dandy qui mourrait d'un trop fort parfum de rose. Il avait essayé trois fois de me faire assassiner, dans le cours de la négociation; mais, naturellement, nous étions amis en public, et nous échangeons des saluts de la façon la plus cordiale et la plus charmante.

Le galėongi est, ou plutôt était (car hélas! un lacet lui a serré le cou) un fidèle sectateur en politique de la vieille école turque. Nous dînâmes avec nos doigts, et nous eûmes des quartiers de pain pour vaisselle. La seule innovation qu'il admît était l'usage des liqueurs européennes, et il s'y livrait avec un grand goût. Il mangeait énormément. Parmi les plats, il y en eut un très vaste, qu'on plaça devant lui, un agneau apprêté dans sa laine, bourré d'ail, d'assa-fœtida, de piment et autres assaisonnements, le plus abominable mélange que jamais mortel ait flairé ou goûté. Le galėongi en mangea énormément; suivant la coutume orientale, il insistait pour servir ses amis à droite et à gauche, et, quand il arrivait un morceau particulièrement épicé, il l'enfonçait de ses propres mains jusque dans le gosier de ses convives.

Je n'oublierai jamais le regard du pauvre Diddlof, quand Son Excellence, ayant roulé en boule un gros paquet de cette mixture, et s'écriant tuk, tuk (c'est très bon), administra l'horrible pilule à Diddlof. Les yeux du Russe roulèrent effroyablement au moment où il la reçut. Il l'avala avec une grimace qui annonçait une convulsion imminente, et saisissant à côté de lui une bouteille qu'il croyait du Sauterne, mais qui se trouva être de l'eau-de-vie française, il en but près d'une pinte, avant de reconnaître son erreur. Ce coup l'acheva. Il fut emporté presque mort de la salle à manger, et déposé au frais dans un pavillon d'été sur le Bosphore.

Quand mon tour vint, j'avalai le condiment avec un sourire, je dis Bismillah, et je léchai mes lèvres avec un air de contentement aimable; puis, quand on servit le plat voisin, j'en fis moi-même une boule avec tant de dextérité et je la fourrai

dans le gosier du vieux galėongi avec tant de grâce, que son cœur fut gagné. La Russie fut mise d'emblée hors de cause, et le traité de Kabobanople fut signé. Quant à Diddlof, tout était fini pour lui; il fut rappelé à Saint-Pétersbourg, et sir Roderick Murchison le vit, sous le n° 3967, travaillant aux mines de l'Oural 1.

L'anecdote évidemment est authentique,et, quand de Foë racontait l'apparition de mistress Veal, il n'imitait pas mieux le style d'un procès-verbal.

Cette réflexion si attentive est une source de trislesse. Pour se divertir des passions humaines, il faut les considérer en curieux, comme des marionnettes

1. I am naturally averse to egotism, and hate self-laudation consumedly; but I can't help relating here a circumstance illustrative of the point in question, in which I must think I acted with considerable prudence.

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Being at Constantinople a few years since (on a delicate mission) — the Russians were playing a double game, between ourselves, and it became necessary on our part to employ an extra negociator. LECKERBISS PASHA of Roumelia, then Chief Galeongee of the Porte, gave a diplomatic banquet at his summer palace at Bujukdere. I was on the left of the Galeongee; and the Russian agent COUNT DE DIDDLOFF on his dexter side. DIDDLOFF is a dandy who would die of a rose in aromatic pain: he had tried to have me assassinated three times in the course of the negotiation but of course we were friends in public, and saluted each other in the most cordial and charming manner.

The Galeongee is

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or was, alas! for a bow-string has done for him a staunch supporter of the old school of Turkish politics. We dined with our fingers, and had flaps of bread for plates; the only innovation he admitted was the use of European liquors, in which he indulged with great gusto. He was an enormous eater. Amongst the dishes a very large one was placed before him of a lamb dressed in its wool, stuffed with prunes, garlic, assafoetida, capsicums, and other condiments, the most abominable mixture that ever mortal smelt or tasted. The Galeongee ate of this hugely; and

changeantes, ou en savant, comme des rouages réglés, ou en artiste, comme des ressorts puissants. Si vous ne les observez que comme vertueuses ou vicieuses, vos illusions perdues vous enchaîneront dans des pensées noires, et vous ne trouverez en l'homme que faiblesse et que laideur. C'est pourquoi Thackeray déprécie notre nature tout entière. Il fait dans le roman ce que Hobbes fit en philosophie. Presque toujours, lorsqu'il décrit de beaux sentiments, il les dérive d'une vilaine source. La tendresse, la bonté, l'amour sont dans ses personnages un effet des nerfs, de l'instinct, ou d'une maladie morale. — Amélia

pursuing the Eastern fashion, insisted on helping his friends right and left, and when he came to a particularly spicy morsel, would push it with his own hands into his guest's very mouths.

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I never shall forget the look of poor DIDDLOFF, when his Excellency, rolling up a large quantity of this into a ball and exclaiming, Buk Buk " (it is very good), administered the horrible bolus to DIDDLOFF. The Russian's eyes rolled dreadfully as he received it: he swallowed it with a grimace that I thought must precede a convulsion, and seizing a bottle next him, which he thought was Sauterne, but which turned out to be french brandy, he drank off nearly a pint before he knew his error. It finished him; he was carried away from the dining room almost dead, and laid out to cool in a summer house on the Bosphorus.

When it came to my turn, I took down the condiment with as mile, said "Bismillah ", licked my lips with easy gratification, and when the next dish was served, made up a ball myself so dexterously, and popped it down the old Galeongee's mouth with so much grace, that his heart was won. Russia was put out of Court at once, and the treaty of Kabobanople was signed. As for DIDDLOFF, all was over with him, he was recalled to Saint-Petersburg, and SIR RODERIC MURCHISON saw him, under the no 3967, working in the Ural mines.

LITT. ANGL.

(The Snobs of England, p. 146.)
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