Lapas attēli
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relâcher le jeune homme; elle vient sur lui, les narines gonflées, les cheveux flottants, la tempête dans le cœur, et le remercie avec une ironie amère : « Vous vous êtes bien conduit, et comme un gentilhomme, et comme un prince. Et vous avez bon air aussi dans vos habits de femme. » Elle est toute palpitante d'orgueil blessé; elle balbutie, elle veut, puis elle ne veut plus; elle tâche de se contraindre pour mieux insulter, et tout d'un coup elle éclate : « Vous qui avez osé forcer nos barrières et duper nos gardiennes, et nous offenser, et nous mentir, et nous outrager! Moi, t'épouser! moi votre fiancée, votre esclave! Non, quand tout l'or qui gît dans les veines de la terre serait entassé pour faire votre couronne, et quand toute langue parlante vous appellerait sei gneur. Seigneur! votre fausseté et votre visage nous sont en dégoût. Je marche sur vos offres et sur vous. Partez. Qu'on le pousse hors des portes1! » Comment amollir ce cœur farouche, enfiévré de colère féminine, aigri par le désappointement et l'offense, exalté par de longs rêves de puissance et de primauté

1.

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« You have done well and like a gentleman,
And like a prince you have our thanks for all :
And you look well too in your woman's dress :
Well have you done and like a gentleman.

You have saved our life we owe you bitter thanks
Better have died and spilt our bones in the flood
Then men had said but now what hinder me
To take such bloody vengeance on you both?
Yet since our father Wasps in the solemn hive,
You would-be quenchers of the light to be,
Barbarians, grosser than your native bears

O would I had his sceptre for one hour!

You that have dared to break our bound, and gull'd
Our tutors, wrong'd and lied and thwarted us

et que sa virginité rend plus sauvage! Mais comme la colère lui sied, et qu'elle est belle! Et comme cette fougue de sentiment, cette altière déclaration d'indépendance, cette chimérique ambition de réformer l'avenir, révèlent la générosité et la hauteur d'un cœur jeune et épris du beau!-On convient que la querelle sera décidée par un combat de cinquante contre cinquante. Le prince est vaincu, et Ida le voit sanglant sur le sable. Lentement, par degrés, en dépit d'elle-même, elle cède aux prières, recueille les blessés dans son palais et vient au lit du mourant. Devant sa langueur et son délire, la pitié éclôl, puis la tendresse, puis l'amour, « comme une cam panule des Alpes, humide de larmes matinales auprès de quelque froid glacier, fragile d'abord et faible, mais qui de jour en jour prend de l'éclat1. » Un soir, il revient à lui, épuisé, les yeux encore troublés de visions funèbres; il la voit flotter devant lui comme un rêve, ouvre péniblement ses lèvres pâles, et lui dit tout bas : « Si vous êtes cette Ida que j'ai connue, - je ne vous demande rien; mais si vous

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I wed with thee! I bound by precontract

Your bride, your bondslave! not tho' all the gold

That veins the world were pack'd to make your crown,

And every spoken tongue should lord you. Sir,

Your falsehood and your face are loathsome to us :

I trample on your offers and on you:

Begone! we will not look upon you more.

Here, push them out at gates. »

1. From all a closer interest flourish'd up,

Tenderness touch by touch, and last, to these,
Love, like an Alpine harebell hung with tears
By some cold morning glacier; frail at first
And feeble, all unconscious of itself,
But such as gather'd colour day by day.

êtes un songe,

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doux songe, achevez-vous. Je mourrai cette nuit; baissez-vous, et faites semblant de m'embrasser avant que je meure1. Elle se retourna; elle s'arrêta; — elle se baissa; et, avec un grand tremblement de cœur, nos lèvres se rencontrèrent. Du fond de ma langueur jaillit un cri, l'Amour couronné s'élançant des bords de la mort, et tout le long des veines frémissantes l'âme monta, et se colla dans un baiser de feu sur la bouche d'Ida. Je retombai en arrière, et, de mes bras, elle se leva, toule rougissante d'une noble honte. Toute la fausse enveloppe avait glissé à ses pieds comme une robe, - et la laissait femme, plus aimable que l'autre, l'Immortelle, lorsqu'elle sortit de l'abîme stérile pour conquérir tout par l'amour, et que le long de son corps le cristal ruisselant coulait, et qu'elle glissait au loin le long des îles empourprées, -nue, comme une double lumière dans l'air et dans la vague2. » Voi'à l'accent

1.

2.

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«If you be, what I think you, some sweet dream,
I would but ask you to fulfil yourself:

But if you be that Ida whom I know,

I ask you nothing only, if a dream,

Sweet dream, be perfect. I shall die to-night.
Stoop down and seem to kiss me ere I die. »>

She turn'd; she paused;
She stoop'd; and with a great shock of the heart
Our mouths met: out of languor leapt a cry,
Crown'd Passion from the brinks of death, and up
Along the shuddering senses struck the soul,
And closed on fire with Ida's at the lips;
Till back I fell, and from mine arms she rose
Glowing all over noble shame; and all
Her falser self slipt from her like a robe,
And left her woman, lovelier in her mood
Than in her mould that other, when she come

de la Renaissance, tel qu'il est sorti du cœur de Spenser et de Shakspeare; ils ont eu cette adoration voluptueuse de la forme et de l'âme, et ce divin sentiment de la beauté.

V

Il y a une autre chevalerie qui ouvre le moyen âge, comme celle-ci le ferme, chantée par des enfants, comme celle-ci par des jeunes gens, et retrouvée dans les Idylles du roi, comme celle-ci dans la Princesse. C'est la légende d'Arthur, de Merlin et des chevaliers de la Table-Ronde. Avec un art admirable, Tennyson en a renouvelé les sentiments et le langage; cette ame flexible prend tous les tons pour se donner tous les plaisirs. Cette fois il s'est fait épique, antique et naïf, comme Homère et comme les vieux trouvères des chansons de geste. Il est doux de sortir de notre civilisation savante, de remonter vers les époques et les mœurs primitives, d'écouter le paisible discours qui coule abondamment et lentement comme un fleuve sur une pente unie. Le propre de l'ancienne épopée est la clarté et le calme. Les idées viennent de naître; l'homme est heureux et encore enfant. Il n'a pas eu le temps de raffiner, de ciseler et d'enluminer sa pensée; il la montre toute nue. Il n'est point encore ai

From barren deeps to conquer all with love,
And down the streaming crystal dropt, and she
Far-fleeted by the purple island-sides,

Naked, a double light in air and wave.

guillonné par des convoitises multipliées; il pense à loisir. Toute idée l'intéresse; il la développe curieusement; il l'explique. Son discours ne bondit jamais; il va pas à pas d'un objet à l'autre, et tout objet lui semble beau; il s'arrête, il regarde et se complaît à regarder. Cette simplicité et cette paix sont étranges et charmantes; on se laisse aller, on est bien, on ne désire pas aller plus vite; il semble que volontiers on resterait toujours ainsi. Car la pensée primitive est la pensée saine; nous n'avons fait que l'altérer par les greffes et la culture; nous y revenons, comme dans notre fonds le plus intime, pour y trouver le contentement et le repos.

Mais, entre toutes les épopées, ce qui distingue celle de la Table-Ronde, c'est la pureté. - Arthur, << le roi irréprochable », a assemblé « cette glorieuse compagnie, la fleur des hommes, pour servir de modèle au vaste monde, et pour être le beau commencement d'un âge. Il leur a fait mettre leurs mains dans les siennes, jurer de respecter leur roi comme s'il était leur conscience, et leur conscience comme si elle était leur roi; de ne point dire de calomnie et de n'en point écouter; de passer leur douce vie dans la plus pure chasteté; de n'aimer qu'une jeune fille, de s'attacher à elle; de lui offrir pour culte des années de nobles actions. >> Il y a une sorte de plaisir raffiné à manier un pareil monde; car il n'y en a point où puissent naître de plus pures et de plus touchantes fleurs. Je n'en montrerai qu'une, Elaine, «<le lys d'Astolat », qui, ayant vu Lancelot

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