Lapas attēli
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rues. Pour moi, je suis à l'abri de vos perfidies. Le mobilier de la maison est à moi, et, puisqu'il entre dans vos intentions que madame votre femme couche sur le pavé, je vous préviens que je le ferai enlever demain. M. Smithers vous dira que j'étais décidée à vous laisser toute ma fortune. Ce matin en sa présence j'ai solennellement déchiré mon testament, et, par cette lettre, je renonce à toute relation avec vous et avec votre famille de mendiants. J'ai recueilli une vipère dans mon sein, elle m'a piquée. >> Cette femme juste et compatissante rencontre son égal, un homme pieux, John Brough, esquire, membre du parlement, directeur de la compagnie indépendante d'assurances contre l'incendie et sur la vie du Diddlesex oriental. Ce chrétien vertueux a humé de loin la réjouissante odeur de ses terres, maisons, capitaux et autres valeurs mobilières et immobilières. Il court sus à la belle fortune de mistress Hoggarthy, affligé de voir qu'elle rapporte à peine quatre pour cent à mistress Hoggarthy, décidé à doubler le revenu de mistress Hoggarthy. Il la rencontre à l'hôtel le visage enflé. (Toute la nuit, elle avait été mangée aux puces.) « Bonté du ciel, s'écrie John Brough esquire, une dame de votre rang souffrir une pareille chose! L'excellente parente de mon cher ami Titmarsh! Jamais on ne dira que mistress Hoggarthy, du château de Hoggarthy, pourra être soumise à une si horrible humiliation, tant que John Brough aura une maison à lui offrir, une maison humble, heureuse, chrétienne, madame, quoique peut-être inférieure à la splendeur

de celles auxquelles vous avez été accoutumée dans votre illustre carrière! Isabelle, mon amour! Belinda! Parlez à mistress Hoggarthy. Dites-lui que la maison de John Brough est à elle depuis la mansarde jusqu'à la cave. Je le répète, madame, depuis la cave jusqu'à la mansarde je désire, je supplie, j'ordonne que les malles de mistress Hoggarthy, du château de Hoggarthy, soient en ce moment même portées dans ma voiture. » Ce style fait rire, si l'on veut, mais d'un rire triste. On vient d'apprendre que l'homme est hypocrite, injuste, tyrannique, aveugle. Affligé, on se retourne vers l'auteur, et l'on ne voit sur ses lèvres que des sarcasmes, sur son front que du chagrin.

IV

Cherchons bien; peut-être en des sujets moins graves trouverons-nous quelque occasion de franc rire. Considérons, non plus une coquinerie, mais une mésaventure: une coquinerie révolte, une mésaventure peut amuser. Il n'en est rien; jusque dans un amusement, la satire ici conserve sa force, parce que la réflexion conserve ici son intensité. Il y a dans la drôlerie anglaise un sérieux, un effort, une application étonnante, et leurs folies comiques sont composées avec autant de science que leurs sermons. La puissante attention décompose son objet en toutes ses parties, et le reproduit avec une minutie, un relief qui font illusion. Swift décrit la contrée des che

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vaux parlants, la politique de Lilliput, les inventeurs de l'Ile-Volante, avec des détails aussi précis et aussi concordants qu'un voyageur expérimenté, explorateur exact des mœurs et du pays. Ainsi soutenus, le monstre impossible et le grotesque littéraire entrent dans la vie réelle, et le fantôme de l'imagination prend la consistance des objets que nous touchons. Thackeray porte dans la farce cette gravité imperturbable, cette solidité de conception et ce talent d'illusion. Regardez une de ses thèses morales: il veut prouver que dans le monde il faut se conformer aux usages reçus, et transforme ce lieu commun en une anecdote orientale. Comptez les détails de mœurs, de géographie, de chronologie, de cuisine, la désignation mathématique de chaque objet, de chaque personne et de chaque geste, la lucidité d'imagination, la profusion de vérités locales; vous comprendrez pourquoi sa moquerie vous frappe d'une impression si originale et si poignante, et vous y retrouverez le même degré d'étude et la même énergie d'attention que dans les ironies et dans les exagérations précédentes: son enjouement est aussi réfléchi et aussi fort que sa haine ; il a changé d'attitude, il n'a point changé de faculté.

J'ai une aversion naturelle pour l'égotisme, et je déteste infiniment l'habitude de se louer soi-même; mais je ne puis m'empêcher de raconter ici une anecdote qui éclaire le point en question, et où j'ai agi, je crois, avec une remarquable présence d'esprit.

Étant à Constantinople il y a quelques années pour une mission délicate (les Russes jouaient un double jeu, et de notre côté il devint nécessaire d'envoyer un négociateur supplémentaire), Leckerbiff, pacha de Roumélie, alors premier galéongi de la Porte, donna un banquet diplomatique dans son palais d'été à Bukjédéré. J'étais à la gauche du galéongi, et l'agent russe, le comte de Diddlof, était à sa droite. Diddlof est un dandy qui mourrait de respirer une rose malade. Il avait essayé trois fois de me faire assassiner dans le cours de la négociation; mais naturellement nous étions amis en public, et nous échangions des saluts de la façon la plus cordiale et la plus charmante.

La galéongi est, ou plutôt était (car hélas! un lacet lui a serré le cou) un fidèle sectateur du parti turc. Nous dinâmes avec nos doigts, et nous eûmes des quartiers de pain pour vaisselle. La seule innovation qu'il admit était l'usage de liqueurs européennes, et il s'y livrait avec un grand goût. Il mangeait énormément. Parmi les plats il y en eut un trèsvaste qu'on plaça devant lui, un agneau apprêté dans sa laine, bourré d'ail, d'assa-foetida, de piment et autres assaisonnements, le plus abominable mélange que jamais mortel ait flairé ou goûté. Le galéongi en mangea énormément; suivant la coutume orientale, il insistait pour servir ses amis à droite et à gauche, et, quand il arrivait un morceau particulièrement épicé, il l'enfoncait de ses propres mains jusque dans le gosier de ses convives.

Je n'oublierai jamais le regard du pauvre Diddlof, quand Son Excellence, ayant roulé en boule un gros paquet de cette mixture, et s'écriant tuk, tuk (c'est très-bon), administra l'horrible pilule à Diddlof. Les yeux du Russe roulèrent effroyablement au moment où il la reçut. Il l'avala avec une grimace qui annonçait une convulsion imminente, et saisissant à côté de lui une bouteille qu'il croyait du sauterne, mais qui se trouva être de l'eau-de-vie française, il en but près d'une pinte avant de reconnaître son erreur. Ce coup l'acheva. Il fut emporté presque mort de la salle à manger, et déposé au frais dans une maison d'été sur le Bosphore.

Quand mon tour vint, j'avalai le condiment avec un sourire, je dis Bismillah, et je léchai mes lèvres avec un air de contentement aimable; puis, quand on servit le plat voisin, j'en fis moi-même une boule avec tant de dextérité et je la fourrai dans le gosier du vieux galéongi avec tant de grâce, que son cœur fut gagné. La Russie fut mise d'emblée hors de cause, et le traité de Kabobanople fut signé. Quant à Diddlof, tout était fini pour lui; il fut rappelé à Saint-Pétersbourg, et sir Roderick Murchison le vit, sous le n° 3967, travaillant aux mines de l'Oural'.

L'anecdote évidemment est authentique, et, quand De Foë racontait l'apparition de mistress Veal, il n'imitait pas mieux le style d'un procès-verbal.

1. I am naturally averse to egotism, and hate self-laudation consumedly; but I can't help relating here a circumstance illustrative of the point in question, in which I must think I acted with considerable prudence.

Being at Constantinople a few years since (on a delicate mission) the Russians were playing a double game, between ourselves, and it became necessary on our part to employ an extra negociator. LECKERBISS PASHA of Roumelia, then Chief Galeongee of the Porte, gave a diplomatic banquet at his summer palace at Bujukdere. I was on the left of the Galeongee; and the Russian agent COUNT DE DIDDLOFF on his dexter side. DiddLOFF is a dandy who would die of a rose in aromatic pain: he had tried to have me assassinated three times in the course of the negotiation: but of course we were friends in public, and saluted each other in the most cordial and charming manner. The Galeongee is - or was, alas! for a bow-string has done for him a staunch supporter of the old school of Turkish politics. We dined with our fingers, and had flaps of bread for plates; the only innovation he admitted was the use of European liquors, in which he indulged with great gusto. He was an enormous eater. Amongst the dishes a very large one was placed before him of a lamb dressed in its wool, stuffed with prunes, garlic, assafoetida, capsicums, and other condiments, the most abominable mixture that ever mortal smelt or tasted. The

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