Lapas attēli
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leurs mains et prirent le roi et pleurèrent. Mais celle qui était la plus grande entre elles toutes, et la plus belle, mit la tête du roi dans son giron et défit le casque brisé, et l'appela par son nom en pleurant tout haut'. » La barque se détache, et Arthur, élevant sa voix lente, console sire Bedivere qui s'afflige sur le rivage, et prononçant ces paroles d'adieu, héroïques et solennelles : « Le vieil ordre change, cédant la place au nouveau; et Dieu s'accomplit lui-même en plusieurs façons, de peur qu'une bonne coutume étant seule ne corrompe le monde. — Si tu ne dois plus voir ma face, prie pour moi; plus de choses sont accomplies par la prière que ce monde ne l'imagine. Car par elle la terre, ronde tout entière en toutes ses parties, est liée comme par des chaînes d'or aux pieds de Dieu. Mais à présent adieu; je m'en vais pour avec ceux-là que tu vois, si en

un long voyage effet je m'envais

--

(car toute mon âme est obscur

cie de doutes) vers l'île et la vallée d'Avilion, où ne tombe point de pluie, ni de grêle, ni de neige, - et où même le vent ne souffle jamais rudement; mais elle repose enveloppée de profondes prairies, heureuse, belle avec des pelouses sous des

-

1.

Then murmur'd Arthur: "Place me in the barge,
And to the barge they came. There those three queens
Put forth their hands, and took the king and wept.
But she that rose the tallest of them all

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And fairest, laid his head in her lap,

And loosed the shatter'd casque, and chafed his hands
And call'd him by his name, complaining loud.

vergers, et des creux pleins d'arbres couronnés par une mer d'été où je me guérirai de ma douloureuse blessure1. » Je crois que depuis Goethe on n'a rien vu de plus calme et de plus imposant.

Comment rassembler en quelques mots tous les traits de ce talent si multiple? Il est né poëte, c'està-dire constructeur de palais aériens et de châteaux imaginaires. Mais la passion personnelle et les préoccupations absorbantes qui ordinairement maîtrisent la main de ses pareils lui a manqué; il n'a point trouvé en lui-même le plan d'un édifice nouveau; il a bâti d'après tous les autres ; il a simplement choisi parmi les formes les plus élégantes, les mieux ornées, les plus exquises. Il n'a pris que la fleur dans leurs beautés. C'est tout au plus si, par occasion, il s'est amusé çà et là à arranger quelque cottage vraiment anglais et moderne. Si, dans ce choix d'ar

1.

The old order changeth, yielding place to the new,

And God fulfills himself in many ways,

Lest one good custom should corrupt the world.

If thou shouldst never see my face again

Pray for my soul. More things are wrought by prayer
That this world dreams of.

For so the whole round earth is every way
Bound by gold chains about the feet of God.
But now farewell. I am going a long way
With these thou seest,
if indeed I go
(For all my mind is clouded with a doubt)
To the island-valley of Avilion,
Where falls not hail, or rain or any snow,
Nor ever wind blows loudly; but it lies
Deep-meadow'd, happy, fair with orchard-lawns
And bowery hollows crown'd with summer sea,
Where I will heal me of my grievous wound.

chitectures retrouvées ou renouvelées, on cherche sa trace, on la devinera çà et là dans quelque frise plus finement sculptée, dans quelque rosace plus délicate et plus gracieuse; mais on ne la trouvera marquée et sensible que dans la pureté et dans l'élévation de l'émotion morale qu'on emportera en sortant de son musée.

§ 2.

LE PUBLIC.

Le poëte favori d'une nation, ce semble, est celui qu'un homme du monde, partant pour un voyage, met le plus volontiers dans sa poche. Aujourd'hui ce poëte serait Tennyson en Angleterre, et Alfred de Musset en France. Les deux publics diffèrent par suite, leurs genres de vie, leurs lectures et leurs plaisirs. Essayons de les décrire; on comprendra mieux les fleurs en voyant le jardin.

Vous voilà à Newhaven ou à Douvres, et vous courez sur les rails, en regardant autour de vous. Des deux côtés passent des maisons de campagne ; il y en a partout en Angleterre, au bord des lacs, sur le rivage des golfes, au sommet des collines, sur tous les points de vue pittoresques. Elles sont le séjour préféré; Londres n'est qu'un rendez-vous d'affaires; c'est à la campagne que les gens du monde vivent, s'amusent et reçoivent. Que cette maison est bien arrangée et jolie! S'il s'est trouvé à côté quelque vieille bâtisse, abbaye ou château, on l'a gardée. L'édifice nouveau a été raccordé avec l'ancien; même seul et moderne, il ne manque point de style; les pignons, les meneaux, les grandes fenêtres, les tourelles nichées à tous les coins ont dans leur fraîcheur un air gothique. Ce cottage même, si mo

deste, bon pour des gens qui n'ont que trente mille livres de rentes, est agréable à voir avec ses toits pointus, son portique, ses briques brunes vernissées, toutes recouvertes de lierre. Sans doute la grandeur manque le plus souvent; aujourd'hui les gens qui font l'opinion ne sont plus les grands seigneurs, mais les gentlemen riches, bien élevés et propriétaires; c'est l'agrément qui les touche. Mais comme ils s'y entendent! Il y a tout autour de la maison un gazon frais et soyeux comme du velours, qu'on passe au rouleau tous les matins. En face, des rhododendrons énormes font un bouquet éblouissant où murmurent des volées d'abeilles ; des guirlandes de fleurs exotiques rampent et tournoient sur l'herbe fine; des chèvrefeuilles grimpent le long des arbres, les roses par centaines, penchées au bord des fenêtres, laissent tomber sur les allées la pluie de leurs pétales. Partout les beaux ormes, les ifs, les grands chênes, précieusement gardés, groupent leurs bouquets ou dressent leurs colonnes. Les arbres de l'Australie et de la Chine sont venus orner les massifs par l'élégance ou la singularité de leurs formes étrangères; le copperbeech étend sur la délicate verdure des prairies l'ombre de ses feuilles noirâtres à reflets de cuivre. Que la fraîcheur de cette verdure est délicieuse! Comme elle étincelle, et comme elle regorge de fleurs champêtres lustrées par le soleil! Que de soin, quelle propreté, comme tout est disposé, entretenu, épuré pour le bien-être des sens et pour le plaisir des yeux! S'il y a une pente, on a

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