Lapas attēli
PDF
ePub

maîtres. Il se promenait dans la nature et dans l'histoire, sans parti pris, sans passion âpre, occupé à sentir, à goûter, à jouir, à cueillir partout, dans les jardinières des salons comme sur la haie des cottages, les fleurs rares ou champêtres dont le parfum ou l'éclat pouvait le charmer ou l'amuser. On en jouissait avec lui; on respirait les gracieux bouquets qu'il savait si bien faire; on acceptait de préférence ceux qu'il prenait dans la campagne; on trouvait que nulle part son talent n'était plus à l'aise. On admirait combien ce regard minutieux et ce sentiment délicat savaient en saisir et en interpréter les aspects mobiles. On oubliait dans le Cygne mourant que le sujet était presque usé et l'intérêt un peu faible, pour savourer des vers comme ceux-ci :

et

Quelques pics bleus dans le lointain s'élevaient, blanche sur la froide blancheur du ciel brillait leur couronne de neige. Un saule se penchait en pleurant sur la rivière, et secouait le flot quand le vent soupirait. — Audessus, dans le vent courait l'hirondelle, — qui se pourchassait elle-même dans ses sauvages caprices; et plus loin, à travers le marais vert et tranquille, les canaux enchevêtrés dormaient, tachés de pourpre, de vert, et de jaune 1.

[ocr errors]

1.

Some blue peaks in the distance rose,
And white against the cold-white sky,

Shone out their crowning snows.

One willow over the river wept,

And shook the wave as the wind did sigh;
Above in the wind was the swallow,

Chasing himself at its own wild will,

And far thro' the marish green and still
The tangled water-courses slept,

Shot over with purple, and green, and yellow.

Mais ces peintures mélancoliques ne le montraient point tout entier; on allait avec lui dans le pays du soleil, vers les molles voluptés des mers méridionales; on revenait par un attrait insensible aux vers où il peint les compagnons d'Ulysse qui, assoupis sur la terre des Lotos, rêveurs heureux comme luimême, oubliaient la patrie et renonçaient à l'action.

Une terre d'eaux courantes : quelques-unes, comme une fumée qui descend, laissent tomber lentement leur voile de fine gaze; d'autres, lancées à travers des ombres et des clartés vacillantes, roulaient avec un bruit assoupissant leur nappe d'écume. Ils voyaient la rivière luisante rouler vers l'Océan, sortie du milieu des terres; bien loin, trois cimes de montagnes, - - trois tours silencieuses de neige antique-se dressaient rougies par le soleil couchant, et le pin ombreux, humecté de rosée, montait au-dessus des taillis entrelacés.

[ocr errors]

que

Il y a ici une musique suave, qui tombe plus doucement - que les pétales des roses épanouies sur le gazon, les rosées de la nuit sur les eaux calmes entre des parois de granit sombre dans un creux qui luit; qui se pose plus mollement sur l'âme lassées sur des yeux lassés; une musique qui amène un doux sommeil du haut des cieux bienheureux. Il de fraîches mousses profondes,

[ocr errors]

une musique que des paupières

[ocr errors]

y a ici

et à travers les mousses

rampent les lierres, et dans le courant pleurent les fleurs aux longues feuilles,

pavot pend endormi.

et sur les corniches rocheuses le

[ocr errors]
[ocr errors]

Regardez; au milieu du bois, sur la branche, la feuille pliée sort du bouton, - sollicitée par la brise caressante; elle devient verte et large et ne prend point de souci, toute baignée de soleil à midi, et, sous la lune, nourrie de rosée nocturne; puis elle jaunit, tombe et descend en flottant à travers l'air. - Regardez; adoucie par la lumière

[ocr errors]

-

d'été, la pomme juteuse devenue trop mûre se détache par une nuit silencieuse d'automne. Selon la longueur des jours qui lui sont accordés, la fleur s'épanouit à sa place, s'épanouit et se flétrit et tombe, et n'a point de travail, - solidement enracinée dans le sol fertile.

[ocr errors]

[ocr errors]

Qu'il est doux, pendant que la brise tiède en chuchotant nous caresse de son souffle, appuyés sur des couches d'amarante et de moly 1, nos calmes paupières à demi baissées, sous les voûtes sacrées du ciel sombre, de suivre la longue rivière brillante qui traîne lentement-ses eaux en quittant la colline empourprée; - d'entendre les échos humides qui s'appellent — de caverne en caverne à travers les épaisses vignes entrelacées; d'entendre les eaux qui tombent avec des teintes d'émeraude, — à travers les guirlandes tressées de l'acanthe divine; -entendre et voir seulement dans le lointain la vague étincelante; rien l'entendre serait que doux; - rien que l'entendre et sommeiller sous les pins2.

1. Nom de la plante donnée par Mercure à Ulysse.

2.

A land of streams! some, like a downward smoke,
Slow-dropping veils of the thinnest lawn, did go.
And some thro' wavering lights and shadows broke,
Rolling a slumbrous sheet of foam below.
They saw the gleaming river seaward flow
From the inner land: far off, three mountain-tops,
Three silent pinnacles of aged snow,

Stood sunset-flush'd: and dew'd with showery drops,
Up-clomb the shadowy pine above the woven copse.

There is sweet music here, that softer falls
Than petal from blown roses on the grass,
Or night-dews on still waters between walls

Of shadowy granite, in a gleaming pass;

Music that gentlier on the spirit lies,

Than tir'd eyelids upon tir'd eyes;

Music that brings sweet sleep down from the blissful skies.

Here are cool mosses deep,

And thro' the moss the ivies creep,

And in the stream the long-leaved flowers weep,

And from the craggy ledge the poppy hangs in sleep.

Lo! In the middle of the wood,

The folded leaf is woo'd from out the bud

II

Ce charmant rêveur n'était-il qu'un dilettante? On aimait à se le figurer ainsi; on le trouvait trop heureux pour lui permettre les passions violentes. La gloire lui était venue aisément et vite : il en avait joui dès trente ans. La reine avait consacré la faveur publique en le nommant poëte lauréat. Un grand romancier l'avait déclaré plus véritablement poëte que lord Byron, et soutenait qu'on n'avait rien vu d'aussi parfait depuis Shakspeare. L'étudiant logeait ses livres dans sa chambre d'Oxford, entre un Euripide

With winds upon the branch, and there
Grows green and broad, and takes no care,
Sun-steep'd at noon, and in the moon
Nightly dew-fed; and turning yellow
Falls, and floats adown the air.

Lo! sweeten'd with the summer light,

The full-juiced apple, waxing over-mellow,
Drops in a silent autumn night.

All its allotted length of days,

The flower ripens in its place,

Ripens, and fades, and falls, and hath no toil,
Fast-rooted in the fruitful soil.

[ocr errors]

But, propt on beds of amaranth and moly,

How sweet, (while warm airs lull us, blowing lowly,)

With half-dropt eyelids still,

Beneath a heaven dark and holy,

To watch the long bright river drawing slowly

His waters from the purple hill.

To hear the dewy echoes calling

From cave to cave thro' the thick-twined vine.

To hear the emerald-color'd water falling

Thro' many a wov'n acanthus-wreath divine!

--

Only to hear and see the far-off sparkling brine,

Only to hear were sweet, stretch'd out beneath the pine.

annoté et un manuel de philosophie scolastique. Les jeunes dames les trouvaient dans leur corbeille de mariage. On le disait riche, adoré des siens, admiré de ses amis, aimable, exempt d'affectation, naïf même. Il vivait à la campagne, principalement dans l'île de Wight, parmi des livres et des fleurs, à l'abri des tracasseries, des rivalités et des assujettissements du monde, et l'on imaginait volontiers sa vie comme un beau songe, aussi doux que ceux qu'il nous avait donnés.

On regarda de plus près cependant, et l'on vit qu'il y avait un foyer de passion sous cette surface unie. Un vrai tempérament poétique n'en manque jamais. Il sent trop vivement pour être paisible. Quand on vibre au moindre attouchement, on palpite et on frémit sous les grands chocs. Déjà çà et là, dans ses peintures de la campagne et de l'amour, un vers éclatant traversait de sa couleur ardente le dessein correct et calme. Il avait senti cet étrange épanouissement de puissances inconnues qui subitement tient l'homme immobile1 les yeux fixes devant la beauté qui se révèle. Le propre du poëte, c'est d'être toujours jeune et éternellement vierge. Pour nous autres, gens du commun, les choses sont usées; soixante siècles de civilisation ont terni leur fraîcheur originelle; elles sont devenues vulgaires; nous ne les apercevons plus qu'à travers un voile de phrases toutes faites; nous nous servons d'elles,

1. Voir the Pictures.

« iepriekšējāTurpināt »