Lapas attēli
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on l'admet; dans la seconde, on l'explique. Dans la première, on remarquait seulement que le contraire de l'axiome est inconcevable; dans la seconde, on découvre en plus que le contraire de l'axiome est contradictoire. Étant donnée la définition de la ligne droite, l'axiome que deux droites ne peuvent enclore un espace s'y trouve compris ; il en dérive comme une conséquence de son principe. En somme, il n'est qu'une proposition identique, ce qui veut dire que son sujet contient son attribut; il ne joint pas deux termes séparés, irréductibles l'un à l'autre : il unit deux termes dont le second est une portion du premier. Il est une simple analyse. Et tous les axiomes sont ainsi. Il suffit de les décomposer pour apercevoir qu'ils vont non d'un objet à un objet différent, mais du même au même. Il suffit de résoudre les notions d'égalité, de cause, de substance, de temps et d'espace en leurs abstraits, pour démontrer les axiomes d'égalité, de substance, de cause, de temps et d'espace. Il n'y a qu'un axiome, celui d'identité. Les autres ne sont que ses applications ou ses suites. Cela admis, on voit à l'instant que la portée de notre esprit se trouve changée. Nous ne sommes plus simplement capables de connaissances relatives et bornées : nous sommes capables aussi de connaissances absolues et infinies; nous possédons dans les axiomes des données qui non-seulement s'accompagnent l'une l'autre, mais encore dont l'une enferme l'autre. Si, comme dit Mill, elles ne faisaient que s'accompagner, nous serions forcés de conclure,

comme Mill, que peut-être elles ne s'accompagnent pas toujours. Nous ne verrions point la nécessité intérieure de leur jonction, nous ne la poserions qu'en fait; nous dirions que les deux données étant de leur nature isolées, il peut se rencontrer des circonstances qui les séparent; nous n'affirmerions la vérité des axiomes qu'au regard de notre monde et de notre esprit. Si au contraire les deux données sont telles que la première enferme la seconde, nous établissons par cela même la nécessité de leur jonction: partout où sera la première, elle emportera la seconde, puisque la seconde est une partie d'elle-même et qu'elle ne peut pas se séparer de soi. Il n'y a point. de place entre elles deux pour une circonstance qui vienne les disjoindre, car elles ne font qu'une seule chose sous deux aspects. Leur liaison est donc absolue et universelle, et nous possédons des vérités qui ne souffrent ni doute, ni limites, ni conditions, ni restrictions. L'abstraction rend aux axiomes leur valeur en montrant leur origine, et nous restituons à la science la portée qu'on lui ôte en restituant à l'esprit la faculté qu'on lui ôtait.

VI

Reste l'induction, qui semble le triomphe de la pure expérience. Et c'est justement l'induction qui est le triomphe de l'abstraction. Lorsque je découvre par induction que le froid cause la rosée, ou que le

LITT. ANGL.

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passage de l'état liquide à l'état solide produit la cristallisation, j'établis un rapport entre deux abstraits. Ni le froid, ni la rosée, ni le passage de l'état solide à l'état liquide, ni la cristallisation n'existent en soi. Ce sont des portions de phénomènes, des extraits de cas complexes, des éléments simples enfermés dans des ensembles plus composés. Je les en retire et je les isole ; j'isole la rosée prise en général de toutes les rosées locales, temporaires, particulières, que je puis observer; j'isole le froid pris en général de tous les froids spéciaux, variés, distincts, qui peuvent se produire parmi toutes les différences de texture, toutes les diversités de substance, toutes les inégalités de température, toutes les complications de circonstances. Je joins un antécédent abstrait à un conséquent abstrait, et je les joins, comme le montre Mill lui-même, par des retranchements, des suppressions, des éliminations. J'expulse des deux groupes qui les contiennent toutes les circonstances adjacentes; je démêle le couple dans l'entourage qui l'offusque; je détache, par une série de comparaisons et d'expériences, tous les accidents parasites qui se sont collés à lui, et je finis ainsi par le mettre à nu. J'ai l'air de considérer vingt cas différents, et dans le fonds, je n'en considère qu'un seul; j'ai l'air de procéder par addition, et en somme je n'opère que par soustraction. Tous les procédés de l'induction sont donc des moyens d'abstraire, et toutes les œuvres de l'induction sont donc des liaisons d'abstraits.

VII

Nous voyons maintenant les deux grands moments de la science et les deux grandes apparences de la nature. Il y a deux opérations, l'expérience et l'abstraction; il y a deux royaumes, celui des faits complexes et celui des éléments simples. Le premier est l'effet, le second la cause. Le premier est contenu dans le second et s'en déduit, comme une conséquence de son principe. Tous deux s'équivalent ; ils sont une seule chose considérée sous deux aspects. Ce magnifique monde mouvant, ce chaos tumultueux d'événements entrecroisés, cette vie incessante infiniment variée et multiple, se réduisent à quelques éléments et à leurs rapports. Tout notre effort consiste à passer de l'un à l'autre, du complexe au simple, des faits aux lois, des expériences aux formules. Et la raison en est visible; car ce fait que j'aperçois par les sens ou la conscience n'est qu'une tranche arbitraire que mes sens ou ma conscience décou pent dans la trame infinie et continue de l'être S'ils étaient construits autrement, ils en intercepteraient une autre; c'est le hasard de leur structure qui a déterminé celle-là. Ils sont comme un compas ouvert, qui pourrait l'être moins, et qui pourrait l'être davantage. Le cercle qu'ils décrivent n'est pas naturel, mais artificiel. Il l'est si bien, qu'il l'est en deux manières, à l'extérieur et à l'intérieur. Car,

lorsque je constate un événement, je l'isole artificiellement de son entourage naturel, et je le compose artificiellement d'éléments qui ne sont point un assemblage naturel. Quand je vois une pierre qui tombe, je sépare la chute des circonstances antérieures qui réellement lui sont jointes, et je mets ensemble la chute, la forme, la structure, la couleur, le son et vingt autres circonstances qui réellement ne sont point liées. Un fait est donc un amas arbitraire, en même temps qu'une coupure arbitraire, c'est-à-dire un groupe factice, qui sépare ce qui est uni, et unit ce qui est séparé1. Ainsi, tant que nous ne regardons la nature que par l'observation seule, nous ne la voyons pas telle qu'elle est: nous n'avons d'elle qu'une idée provisoire et illusoire. Elle est proprement une tapisserie que nous n'apercevons qu'à l'envers. Voilà pourquoi nous tâchons de la retourner. Nous nous efforçons de démêler des lois, c'est-à-dire des groupes naturels qui soient effectivement distincts de leur entourage et qui soient composés d'éléments effectivement unis. Nous découvrons des couples, c'est-à-dire des composés réels et des liaisons réelles. Nous passons de l'accidentel au nécessaire, du relatif à l'absolu, de l'apparence à la vérité; et ces premiers couples trouvés, nous pratiquons sur eux la même opération que sur les faits. Car, à un moindre degré, ils ont la même nature. Quoique plus abstraits, ils sont encore complexes. Ils peuvent être décomposés et ex

1. « Un fait, me disait un physicien éminent, est une superposition de lois. >>

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